dimanche 19 octobre 2025

Désert magnétique

Nous redescendons des contreforts de l’Atlas vers le grand Sud. Là où la vie semble s’être figée dans la pierre, pétrifiée sous l’écrasante morsure du soleil. Peu à peu, la végétation disparaît, comme si la terre, lasse, avait renoncé à nourrir quoi que ce soit. Le paysage devient minéral, brut, presque hostile. Nous ne sommes plus vraiment sur Terre, du moins plus dans celle des humains. Ici commence un autre monde, celui du silence, de la lumière et du vent.
De rares résistants subsistent pourtant dans ce décor d’une austérité absolue. Quelques hameaux se cachent aux creux d’oueds ensablés, là où une source entretient encore un souffle de vie. Ces oasis paraissent irréelles : taches de vert suspendues entre les ocres et les bruns. 
Sous les ombres maigres des palmiers, des hommes travaillent la terre comme on entretiendrait une flamme fragile. De petits jardins s’étirent en damiers irréguliers, dessinant dans la poussière les derniers vestiges d’une humanité tenace.

Puis la route s’enfonce dans le vide minéral ; presque sidéral. Elle serpente entre les reliefs tabulaires, se coule dans les vallées sèches d’un désert sans fin. Le regard ne sait plus où s’accrocher tant le paysage s’ouvre, immense, circulaire, vertigineux. 
Le sable, poussé par les vents, dessine des congères dorées qui adoucissent les lignes de ce monde trop brut, en lui ajoutant quelque chose de précieux. 
A l’horizon le ciel et la terre se confondent dans une clarté d’une violence presque électrique.
De loin en loin, les reliefs s’empilent, fondus dans une brume de chaleur. Les teintes se superposent en mille nuances de gris. Par instants, on croirait voir des montagnes flotter, suspendues dans l’air comme des estampes solides. 

Confortablement installés dans notre vaisseau climatisé, nous avançons avec délectation, comme aspirés par le magnétisme de cette immensité. Le moteur ronronne doucement, seul bruit dans le grand silence. Puis les premiers mirages apparaissent, suggérant des lacs évanescents au fond des vallées : reflets d’eau, rives imaginaires, arbres en suspension, avant de disparaitre, comme avalés par la chaleur.

Nous ne parlons plus. Et d’ailleurs que dire ? Les mots seraient superflus. Juste se laisser envahir par la beauté du monde sans autres artifices, et fixer ces moments, pour tenter ensuite, de les partager.

 


 

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