dimanche 26 octobre 2025

Vers Chinguetti

Nous quittons Akjoujt, anciennement Fort Repoux, laissant derrière derrière-nous une ville de poussière rousse pour s’engager dans un décor qui flirte avec l’irréel. La route file vers Atar en longeant le Grand Erg Occidental. Un vent d’est soutenu balaie le désert en pulvérisant des bouffées de sable doré dans l’air brûlant. Au sol, ces bourrasques viennent lécher l’asphalte dans de formidables arabesques, au point parfois de l’effacer entièrement. Comme si la nature voulait reprendre ses droits sur ce mince ruban de civilisation. Le paysage devient alors fantasmagorique : dunes mouvantes, ciel orangé, herbes sèches, rochers noirs, lumière blanche saturant l’atmosphère.
Puis le paysage change et l’air se nettoie avant la montée vers Atar. Nous traversons deux oueds où l’eau s’écoule. Tel un miracle de la nature, la végétation retrouve alors ses couleurs fraîches magnifiées par le contraste avec l’aridité minérale de l’environnement.

À Atar, nous retrouvons Ahmed, ce “vieil ami” croisé lors d’un précédent voyage. Les retrouvailles s’annonçaient chaleureuses… jusqu’au moment où il comprend que nous n’aurons pas besoin de ses services cette fois-ci. Son intérêt s’évapore aussitôt, remplacé par une politesse distante. En catimini il glisse à Flo, dans un chuchotement mi-amusé, mi-acide, que “les hommes français sont des menteurs”. Sentence sans appel d’une relation intéressée où les grands écarts culturels et économiques se télescopent.

Nous quittons Atar par une passe étroite montant dans un spectaculaire couloir rocheux. Très raide, la piste grimpe vers un vaste plateau rocailleux. Les montagnes s’ouvrent en entailles géantes, offrant des perspectives de Grand Canyon saharien. Les couches de roche semblent s’être superposés au fil des millions d’années pour composer une scène grandiose, sans artifices. Salissant l’air immobile, un imposant nuage de poussière s’élève derrière le pick-up lancé à vive allure sur la piste de graviers.

Un détour s’impose par le site de Fort Sagane. Perché sur son éperon noir, battu par les vents, il fut un refuge de prédilection pour Théodore Monod avant d’être le théâtre du film « Fort Sagane ». Une enceinte carrée de murs de pierres pose ce lieu d’exception hors du temps. On comprend immédiatement pourquoi l’explorateur avait élu domicile ici : sobriété absolue, minéralité parfaite, sensation d’infini, silence. Aussi loin que porte le regard, un horizon de pierres brûlantes où la terre semble fondue sur des reliefs spectaculaires. À quelques pas, des peintures rupestres témoignent d’une présence humaine ancienne, bien antérieure aux caravanes et aux explorateurs : silhouettes animales, scènes de vie. Ici s’épanouissait autrefois une vallée fertile. Sans doute l’esprit de nos ancêtres habite-t-il encore ces paysages d’une magnifique désolation.

Nous reprenons la route. La lumière de fin d’après-midi se fait plus douce. Le soleil rasant étire devant nous l’ombre de notre pick-up, comme aspiré vers la cité mythique. Chinguetti se devine avant de se voir, appelée par l’imaginaire et ses promesses. Puis apparaît enfin le château d’eau posé sur les dunes blondes comme une vision de mirage qui ne s’évapore pas. Nous y sommes ! Premier objectif de cette aventure atteint. 

L’air du soir se rafraîchit doucement, Demain, nous tenterons de percer quelques secrets de ce lieu unique.





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