Nous quittons « le camp boisé » de l’Œil du Sahara avec une pointe de nostalgie. Il y a dans ce lieu une vibration particulière, comme si la terre y respirait encore la mémoire du monde. Les cercles concentriques de la structure de Richat, vus du ciel, évoquent une empreinte cosmique laissée par un dieu géologue. Au sol, ce ne sont que dunes, cailloux et silence, mais un silence si dense qu’il résonne.
Nous reprenons la piste, le cœur un peu serré, laissant derrière nous Ouadane puis Chinguetti, ces cités de pierres et de savoir, suspendues hors du temps. Nous partons avec des étoiles plein les yeux, convaincus que nous ne quitte jamais vraiment le Sahara.
La route vers le sud-est s’enfonce dans la plus grande beauté vierge du monde. Tout ici se décline en nuances de roches, de sable et de lumière : noir, brun, ocre, ambre, miel, cuivre, rose parfois quand le soleil baisse un peu sur l’horizon. Le désert se déploie en une succession de perspectives si parfaites qu’on en oublierait de respirer. L’immensité n’a plus de repères, et l’on se perd avec délectation dans cet océan fossile ou les villages ont disparu depuis longtemps. Seuls quelques nomades résistent ici avec rien, dans des huttes de branchages et de paille, ou des tentes parfois protégées du vent par des murs de pierres.
En une journée, nous parcourons ce que les anciens méharistes mettaient douze jours à franchir. Dans notre vieux pick-up nous filons comme hypnotisés par ce ruban découpant le paysage en 2 parties égales. De loin en loin quelques acacias maigres et tenaces résistent encore à ces conditions extrêmes. L’air vibre de chaleur, les mirages dansent, et l’esprit s’abandonne à ce rythme primordial. On ne pense plus, on ressent. C’est cela, peut-être, la vraie traversée : ce moment où l’on devient soi-même un fragment éphémère du paysage.
Quand enfin surgit Tidjikja, et le nom “Auberge Sahara” peint en bleu sur le vieux portail en fer, un sourire nous échappe. Ironie douce : dans ce pays sans bornes, toutes les auberges semblent porter le nom de l’immensité qui les dépasse. Celle-ci n’est qu’un simple carré de murs en banco au bord de la rue principale.
Le vent du soir se fait plus doux et balaie la terrasse. La morsure du soleil s’efface avec la tiédeur du crépuscule.
Assis à même le sol, nous regardons le ciel se teinter d’indigo et la demi-lune s’éclairer. Rien à ajouter. L’eau chaude fume doucement et le monde semble s’arrêter au chant du Muezzine.
Demain nous verrons peut-être le fleuve Sénégal.


Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire