jeudi 16 octobre 2025

Retour vers le futur

Nous roulons bercés par le ronronnement grave du vaillant moteur diesel. Comme surgie d’un autre espace-temps, une DeLorean croise notre direction sur la longue ligne droite filant plein sud. Sa carrosserie d’acier brossé capte les reflets du soleil andalou, et son sillage semble ouvrir une faille dans le présent. Le temps d’un clignement, elle est déjà avalée par l’horizon, comme happée par le rétroviseur dans une autre dimension.

Et si cette rencontre était un signe ? Un clin d’œil du destin, une invitation à quitter notre époque ?
Le paysage semble lui aussi remonter le temps. À mesure que nous descendons vers le sud, les reliefs s’adoucissent, les champs se clairsèment, la végétation se métamorphose. Peu à peu, la terre ocre s’impose sous un soleil de plomb. Les chênes verts s’accrochent aux collines, les oliviers s’inclinent sous la chaleur, et quelques acacias solitaires dressent leurs silhouettes d’ombre chinoise sur le ciel indigo. L’air se fait plus sec, presque sahélien. Une lumière crue dévore les couleurs et transforme la plaine en mirage de savane africaine.

Le sud de la péninsule ibérique s’annonce comme une transition. Pas seulement
géographique. C’est le seuil entre deux mondes, deux continents, deux respirations du même vent. Ici, la Méditerranée et l’Atlantique se rejoignent, s’affrontent et se mêlent dans un maelstrom d’écume.
Puis apparaissent des rangées de palmiers bordant la route qui donnent à la côte des airs de Floride. Les silhouettes effilées des voiles de kite-surf ponctuent le ciel, comme des oiseaux multicolores suspendus dans la brise du détroit.

Tarifa. Le nom résonne comme une promesse. Ultime cap européen avant l’Afrique. Ici, les vents se croisent et les continents se frôlent. L’Europe s’arrête et le voyage commence vraiment.
Tout juste une heure pour franchir le détroit et changer de continent et de rythme. À bord du ferry, le regard se perd sur la ligne bleue du Rif marocain qui grandit lentement à l’horizon. Tanger approche. Les premières maisons blanches se dessinent, les collines s’étagent, les minarets scintillent. 
L’Afrique nous tend les bras. Et sous ce ciel immense inondé de lumière, commence une autre histoire.




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