vendredi 24 octobre 2025

Sous le tropic de Guerguerat

Nous sommes désormais trois à bord. Le pick-up avale la route vers un sud de plus en plus minéral. « Tropique du Concer » (comprendre évidemment Cancer) indique un panneau rouillé bardé de stickers de voyageurs sur le bord de la route. Le soleil est haut et la chaleur intense. Mais rien ne signale ce passage, sinon, peut-être, un léger changement dans la lumière – plus blanche, plus dure – et la sensation que ce voyage prend une nouvelle dimension, comme le franchissement d’un cap pour un navigateur.

Le paysage évolue lentement. Les longues plaines de sable laissent place à des étendues de pierres, brun rouge ou gris cendre, que les rafales polissent depuis des millénaires. Puis des reliefs rocheux sculptés par le vent émergent comme dans un poudroiement de neige légère. On se croirait sur Mars. Par endroits, d’anciens tracés serpentent à côté de la route : les restes d’une piste balisée de petits kerns dressés sur des buttes rocheuses, balises d’un autre âge pour ceux qui cherchaient leur chemin avant l’asphalte.
Soudain, au détour d’un oued apparemment desséché, une improbable tache brillante. Petite mare éphémère d’eau turquoise, bordée d’herbes maigres. Quelques oiseaux s’y rassemblent pour se désaltérer. Moment de grâce, presque irréel. Puis la route reprend sa monotonie.
Le thermomètre marque 37 °C. La ruban d’asphalte, parfaitement rectiligne, se perd dans un miroitement d’air chaud. Aucun camion, aucune trace de vie humaine. Et cette impression de rouler sur une carte en train de s’effacer sous le soleil.

Enfin apparaît, le poste-frontière de Guerguerat entre le Maroc et la Mauritanie. Baraques délavées, barrières tordues, et, à notre grande surprise, une file de véhicules poussiéreux qui patientent dans la chaleur. Une trentaine de voitures, coincées à côté d’une colonne de poids lourds. Il va falloir être patients.
Dans cette jungle inextricable, la nonchalance des douaniers Marocain n’a d’égale que la gentillesse des Mauritaniens. 
Heureusement bien aidé par Oumar, notre passeur, les formalités s’enchaînent, d’une guérite à l’autre, dans un désordre savamment organisé. Papiers, tampons, signatures… Et la traversée du fameux no man’s land. Quelques kilomètres de piste bosselée, parsemée d’épaves, de pneus et de plastiques brulés par le soleil. Moment et lieu étrange que ce passage, à la réputation très souvent exagérée.

Trois heure et demie pour finalement entrer en Mauritanie au coucher du soleil. Direction
Nouadhibou. 
Une nouvelle Afrique commence. 

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