samedi 1 novembre 2025

Nouakchott !

La lumière décline sur l’Atlantique comme une braise au ralenti. Sur la plage de Nouakchott, les pirogues multicolores rentrent de la mer dans un ballet de cris et d’écume. Leurs coques colorées et fatiguées, décorées de symboles et de promesses, glissent sur la vague avant de s’échouer dans un bouillonnement de sable et d’eau. Les moteurs s’éteignent, mais le tumulte continue : celui des hommes, du vent, des mouettes, de la vie.
Les pêcheurs sautent à l’eau, leurs silhouettes découpées dans l’or du soir. Ils tirent les embarcations à bras d’homme, dans un effort commun qui résonne comme un vieux chant de marins. Le sable brûle, le sel colle à la peau, les voix se mêlent en un dialecte d’embruns et de fatigue. Sur les charrettes rouillées et bringuebalantes, les poissons ruisselants reflètent la lumière du couchant, comme autant d’éclats d’argent échappés de la mer.
Puis vient le marché. Un monde à part. Un lieu où les sens vacillent. L’air y est dense, saturé d’odeurs marines et de chaleur animale. Sous un soleil impitoyable, on découpe, on pèse, on crie, on troque. Le jus de poisson s’infiltre entre les planches, les mouches s’abattent en nuées, les femmes, drapées de tissus éclatants, écaillent à la chaîne avec une précision mécanique. La beauté brute côtoie le difficilement supportable. L’Afrique dans sa vérité nue : vivante, bruyante, odorante.

Au centre-ville, un autre labyrinthe nous attend : celui des souks. Enchevêtrement d’allées de terre battue, de bâches déchirées, de toits de tôle, où la chaleur stagne comme une nappe invisible. Les ruelles sentent la poussière, l’eau croupie et la menthe séchée. Chaque regard est une invitation. Les voix s’interpellent, les rires éclatent et l’on finit par ne plus savoir si l’on avance ou si l’on tourne en rond dans ce dédale inextricable.
Dans les halles couvertes, la lumière se fait rare. Quelques rais filtrent à travers les fissures des toits, dessinant sur les visages des éclats de cuivre et d’ombre. On étouffe un peu, mais on continue, fascinés par l’ambiance un peu oppressante et la promiscuité des lieux. Ici, tout s’achète, se vend et se réinvente dans une fausse confusion.
Quand enfin on ressort, la morsure du soleil nous agresse. Pourtant l'océan n’est jamais loin. Et la ville lui doit tout : sa nourriture, son souffle, son âme. Une ville rude, mais étrangement magnétique. Là où l’Afrique finit, et où s’ouvre l’Atlantique.


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