lundi 3 novembre 2025

Comme un fil invisible


Le voyage touche à sa fin, mais la route s’étire encore. Encore trois mille cinq cents kilomètres vers le nord, comme une longue respiration avant le retour à la maison. On a beau avoir atteint nos objectifs, l’esprit reste en alerte tant qu’on n’est pas rentrés. Comme les alpinistes lors de la redescente après un sommet, on reste vigilants, concentrés, avec ce mélange de fatigue douce et d’énergie tranquille des missions accomplies.
Les derniers jours d’un grand voyage ont souvent cette saveur particulière, mélange de relâchement et de lucidité. On roule plus sereinement, mais on reste attentifs. Le paysage défile alors comme une succession de souvenirs encore chauds, dans le ronronnement du moteur, fidèle compagnon de toutes ces émotions.

Puis soudain la route se couvre de nuages de sauterelles jaunes grosses comme des petits oiseaux qui s’envolent à notre arrivée et s’écrasent contre la voiture avec le bruit sec de grêlons. L’une des dix plaies d’Égypte, version saharienne, s’abat sur le pick-up. On ralentit tandis que les impacts marquent le pare-brise, la calandre et le radiateur. 

Et les kilomètres défilent. Le pick-up tourne comme une horloge. Pas de hâte, juste la sensation du mouvement, le plaisir de rouler, de se déplacer. Ce flux qui relie les moments et les lieux. C’est cela aussi le voyage : pas seulement le but, mais le déplacement lui-même. La monotonie devient alors précieuse, presque musicale. Dans le ronron mécanique, le roulement des pneus sur la route, le souffle du vent, le défilement du paysage adoucit la « tension » des étapes passées. 

Les grands voyages par la route ont cette vertu unique : les étapes d’approche et de retour ne sont pas des transitions, mais des chapitres à part entière. Elles préparent et prolongent l’aventure en l’enrichissant. Elles offrent le temps nécessaire pour que le corps et l’esprit se réaccordent, et tissent le fil invisible de la prochaine aventure...


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