Nous laissons derrière nous le Sahara occidental, vaste étendue où l’histoire et la géopolitique s’entremêlent dans un silence sablonneux et salé. Difficile d’imaginer, au premier regard, que ce désert minéral ait été le théâtre d’enjeux aussi brûlants. Et pourtant. Entre l’Espagne, le Maroc et le Front Polisario, ce territoire a longtemps été disputé avant d’être annexé par le Maroc lors de la célèbre « Marche verte » de novembre 1975. Cinquante ans plus tard, les signes de cette commémoration jalonnent la route emblématique de cet immense territoire.
Les villages que nous traversons se parent de drapeaux rouges frappés de l’étoile verte. Les façades repeintes, les trottoirs balayés, les ronds-points décorés de portraits royaux. Tout respire la ferveur officielle, jusqu'à l'éclairage des mosquées.
En entrant de Boujdour une fantasia s’organisent : alignement de cavaliers en tenues traditionnelles sur une piste poussiéreuse, fusils levés vers le ciel, sabres scintillants au soleil. Leurs montures s’élancent au galop, dans un chaos orchestré, avant de s’arrêter net dans un claquement d’acier et une salve synchronisée.
Toujours étonnantes, ces manifestations de nationalisme. Où qu’elles se déroulent. Fierté viscérale d’appartenir à une communauté. Volonté d’enracinement qui dépasse souvent la simple raison.
Ici, en arrière du décor, plus au sud, d’autres réalités rappellent la fragilité de ces territoires conquis. Des villages entiers, construits de toutes pièces dans les années 1980 pour “coloniser” le désert, sont aujourd’hui à l’abandon. Alignements de maisons en parpaings rongées par le vent, poteaux électriques sans fil, citernes vides. L’océan, pourtant proche, n’apporte guère de salut. Ici rien ne pousse, rien ne vit.
Sur le trait de côte, quelques cabanes de fortune abritent des pêcheurs, parfois des migrants venus du Mali, du Sénégal ou de Guinée, échoués là en attente d’un improbable passage vers le Nord. Silhouettes de zombis, conditions de vie indignes, mais encore debout, encore vivants.
Et pourtant, malgré ce contraste saisissant, on comprend la valeur symbolique de cette terre. La notion de territorialité garde ici tout son sens. Pour le Maroc, cette bande immense est bien plus qu’un désert. C’est un prolongement identitaire. En la regardant sur la carte, on mesure l’ampleur de cette conquête silencieuse : 2 300 kilomètres entre Tanger et la Mauritanie, dont la moitié de cet immense territoire longeant l’océan. Une colonne vertébrale de sable et de vent, reliant le Nord méditerranéen à l’Afrique noire.
(Photos améliorées par IA)



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