dimanche 2 novembre 2025

Il faut bien remonter

Flo est repartie par avion. La rentrée l’appelle, la vie « normale » aussi. Son énergie et sa bonne humeur va nous manquer. Bruno et moi poursuivons par la route, 4 500 kilomètres plein nord pour rentrer à la maison.
 
Petite alerte mécanique hier où le moteur est passée plusieurs fois en mode dégradé : perte de puissance et limitation du régime à 2000 tours. Aïe ! S’il faut rentrer comme ça, on n’est pas rendu… Nous échafaudons toutes les hypothèses pour conclure à un probable défaut de carburant : purge du filtre, nettoyage des capteurs, remplacement du gas-oil, additifs de nettoyage des gicleurs. Il semble que le problème soit fixé. Malgré la fatigue, notre vaillant pick-up tourne de nouveau rond. 

52 °C indique le thermomètre extérieur. Devant nous, la ligne droite vibrant dans la chaleur s’étire à l’infini. Le désert recule lentement. Pourtant les mirages se forment encore comme des promesses qui s’évaporent.
Dans le vieil auto-radio tourne une cassette de notre adolescence : Eye in the sky d’Alan Parson. Coolitude absolue. Et les images qui reviennent en rafales : Chinguetti, Ouadane,  l’Adrar, les pistes sans fin, les soirs d’auberge et de bivouac, et le goût du thé brûlant. La beauté brute du désert s’est imprimée dans notre imaginaire comme des négatifs photos. On parle peu, chacun plongé dans son film intérieur. Les souvenirs défilent plus vite que le paysage, avec cette impression d’avancer à rebours de l’espace-temps.

Nous rejoignons la ligne de chemin de fer Zouerate – Nouadhibou avec le secret espoir d’y croiser le plus long train du monde. Mais seulement un petit convoi. Ce sera pour une prochaine fois. Car il y en aura certainement…

Le poste frontière de Guerguerate approche. L’air est lourd, toujours saturé de poussière. Une petite file de camions déglingués s’étirent comme des chenilles fatiguées. On avance, arrêt après arrêt, sourire aux lèvres, papiers à la main. La “faune” du passage est toujours la même : guides improvisés, enfants au regard trop adulte. Une dernière signature, un tampon, une barrière qui s’ouvre dans un grincement métallique.
Puis vient le no man’s land. Quelques kilomètres d’absurde entre deux nations. Ici, tout semble suspendu, illégal, presque irréel.
Enfin la frontière marocaine. A peine mieux que du côté Mauritanien, sans la faune mais toujours dans une confusion savamment organisée, comme pour crâner devant les voyageurs. Simplement agaçant, mais nous le prenons avec le sourire pour ne pas compliquer ce qui pourrait être si simple !

Le goudron s’améliore, les panneaux plus nets. On retrouve des stations-services dignes de ce nom. On a quitté l’Afrique noire. La face deux de la cassette joue Niel Young. Le ciel se couvre, la température redevient supportable. On se tait, fatigués, mais heureux. Rien ne nous presse plus vraiment. Juste profiter de la route, rester concentrés jusqu’à la maison où nous pourrons taper le clap de fin de cette aventure.

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