Toujours sur la route de la soie en
direction de la Géorgie, nous dépassons une nouvelle fois le semi-remorque Iranien
avec lequel nous sommes en chassé-croisé depuis 2 jours. Echange de petits
signes amicaux de voyageurs sachant compter sur l’autre en cas de nécessité.
Après mûre réflexion notre choix est d’entrer
dans le pays par le petit poste frontière d’Aktas, le plus à l’Est, puis tenter
aussitôt que possible une incursion en Arménie, revenir en Géorgie, pour
poursuivre vers l’Azerbaïdjan. Rien de très simple à priori, mais pourquoi ne
pas essayer ?
Départ un peu difficile ce matin :
orage dantesque dans la nuit, débordement d’égout dans la chambre miteuse
(plutôt une descente depuis la chambre supérieure…), et chapardage nocturne sur
la moto de la Didier (heureusement que quelques outils volés). A plus de 2000
mètres la route est agréable sur des hauts plateaux ou paissent de jolis
troupeaux de bovins et de chevaux sur de vastes et grasses prairies parsemés de
ruisseaux scintillants.
Etonnamment, quelques kilomètres avant
le poste frontière la route n’est plus qu’une large piste de terre rouge où il est
agréable de lâcher les chevaux vapeurs de nos machines particulièrement
adaptées à ce type de terrain.
Passage de douane sans problème grâce à
des agents affables. Nous les questionnons sur notre option de rejoindre l’Azerbaïdjan
via l’Arménie.
-
Impossible
nous explique-t-on. Même en revenant par la Géorgie, vous serez refoulés par
les douanes Azéries qui verront le tampon Arménien sur vos passeports. Les pays
sont en conflit vous savez.
Notre temps étant compté, et ne voulant
pas manquer Bakou, nous décidons de faire l’impasse sur l’Arménie pour filer
directement vers Tbilissi.
Passé le poste frontière impeccablement
tenu, l’entrée en Géorgie est un choc. Pour nous, comme un retour en arrière de
4 générations, dans ce pays ex-membre de l’URSS, aujourd’hui indépendant mais sous
forte pression Russe. Et d’ailleurs, au poste de frontière un drapeau Européen
fièrement érigé au côté du drapeau national, pour bien signifier qui est l’allier.
Les bonnes routes Turques laissent
place à des voies défoncées reliant des villages de rustiques maisons de
pierres couvertes de tôle ondulée d’où sortent des fumants tuyaux rouillés. Pour
délimiter les parcelles, des briquettes de bouses de vaches séchées alignées en
murets pour alimenter les poêles. Et tous ces camions et engins agricoles
abandonnés donnant au décor des allures de scène de guerre, alors qu’il ne s’agit
ici « que » des vestiges de la catastrophe économique issue de la
chute de l’empire Soviétique. Avec en arrière fond cette éternelle question :
en quoi la liberté est un progrès si elle s’accompagne de la misère ?
Seul indice d’optimisme dans ce sombre tableau, les enfants enthousiastes
lançant de joyeux « hello-hello » à notre passage au côté d’adultes
gris à l’air triste.
Le temps se dégrade de nouveau et nous
attaquons, sur une route criblée d’innombrables nids de poules, un nouveau col
à plus de 2200 m. Sous les bourrasques accompagnées d’une pluie glaciale, la
température chute juste au-dessus zéro. Par chance il ne neige pas.
Le jour décline. Nous sommes trempés,
allons avoir besoin d’essence et pas la moindre station à l’horizon. La route
se dégrade encore et il ne serait pas raisonnable poursuivre de nuit. Par
chance, comme planté au milieu de nulle part, un grand bâtiment rectangle d’allure
poststalinienne. Aucune autre indication qu’une discrète pancarte défraichie « Hotel-Restoran »
plantée sur le bas-côté. Peut-être une aubaine dans ces conditions dantesques.
Nos stoppons là. Didier entre par une porte aux allures de sortie de
secours. Un quart d’heure se passe sous la pluie toujours battante. Alléluia ! Il finit par ressortir tout sourire. Nous sommes hébergés
pour la nuit.
Deux vodkas cul-sec suivies d’un diner
parmi des routiers et employés de travaux publics sur un chantier à proximité,
notre périple dans le Caucase est vraiment démarré.
Zdorovié !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire