Reprenant la moto ce matin, je repense
à Bakou et son côté cosmopolite qui, au-delà de la cité elle-même en fait aussi
tout le charme. Sans avoir vraiment pu échanger avec les gens, barrière de la
langue mais aussi faute de temps – je rêve de pouvoir un jour voyager sans
devoir compter les jours – la diversité des origines et des cultures saute aux
yeux : des Azeris bien sûr, des Arméniens, des Russes, des Chinois aussi,
hommes et femmes de toutes générations et de toutes confessions. Ici la plupart
des femmes musulmanes sont libérées des attributs islamiques radicaux, donnant
l’élan de modernité nécessaire à cette religion pour rayonner positivement
comme elle le devrait.
Nous avons donc quitté Bakou avec
regret, un peu frustrés de n’avoir pu mieux la connaitre, mais comblés par le
simple fait de s’y être arrêté.
…
Poursuivant notre pérégrination nous
voilà de retour en Géorgie en direction de la route militaire transcaucasienne,
aujourd’hui la seule autorisée, tant pour des raisons géographiques que
politiques.
A l’Est la Tchétchénie, au Nord et Sud
l’Ossétie, et tout autour la pluralité ethnique du Caucase sous l’influence de
la Grande Russie…
La météo est au beau fixe. Les routes
secondaires où nous roulons sont bordées de part et d’autre de chemins bucoliques
enherbés entre une double rangée de feuillus ressemblant à des noyers. On y croise de grands troupeaux de moutons en
transhumance sous le regard vigilant des bergers et des chiens.

S’enfonçant d’abord dans une large vallée,
elle offre le spectaculaire panorama du Haut Causasse et ses sommets enneigés à
plus de 5000 m. Au creux de la vallée, le lit de galets d’un puissant torrent, millions
de tonnes de roche arrachés à la montagne.
Puis la route en assez mauvais état
commence à s’élever franchement avec ses virages en épingle donnant sur de vertigineux
à-pics. Nous montons encore. Quelques camions à la peine crachent leur fumée
noire comme de locomotives. Beaucoup viennent d’Arménie, croisant les Russes et
les Georgiens qui redescendent. Un Iranien également.
Vers 2000 m le paysage devient
grandiose, spectaculaire vue panoramique sur les sommets immaculés.
On continue de grimper prudemment en
profitant de chaque seconde et de chaque mètre de cette route légende. Par
certain aspect elle fait penser à la vielle route du Tiz-in-test sur les pentes
du mont Toubkal dans l’Atlas. Sauf qu’ici les camions sont des 35t
internationaux se croisant au millimètre sur un étroit routin, alors que là-bas
ce ne sont que les petits fourgons du coin.
Au-dessus de 2000 m ma vénérable moto
de 1988 s’essouffle un peu. Mais elle grimpe toujours.
2300 m, dernière boucle avant le sommet :
nous débouchons sous l’écrasant paysage des géants enneigés perchés plus de
2000 m au-dessus de nous. Les sommets coiffés de jolis cumulus bourgeonnant
ajoutent au paysage la touche presque divine des grands peintres.
Installé ici, un grand belvédère de
béton du plus pur style soviétique orné de chatoyantes mosaïques allégoriques
sur presque 360°. Impossible de ne pas s’y arrêter faire la photo et profiter
du paysage et de l’instant.
Puis s’amorce la descente vers la Russie
sur le versant nord du col. Prudence étant mère de toutes les suretés, on se
laisse couler sur l’étroit ruban rapiécé de mille et une rustines. Il faut
avoir un gros cœur pour s’y engager avec un camion. Des dizaines d’étroits
tunnels, maintenant condamnés comme des trous à rat s’enfonçent dans la
montagne, aujourd’hui shuntés par des petits bouts de route exposés aux
éboulis.
Et voilà que la pluie s’en mêle au
moment où nous arrivons sur le poste Georgien franchis en 2 temps 3 mouvements.
Puis un étonnant long no-man’s land de plusieurs kilomètres pour rejoindre la
douane Russe sous les trombes d’eau.
Comme prévu rien n’est simple. Je subis
une interview en règle dans un « cabinet » privé : 3 agents
visiblement intrigués par mon passeport chargé. Pendant ce temps mes camarades
patientent assis sur un banc devant la barrière.
Question importante avant de me libérer concernant
la suite de notre parcours. J’explique la suite vers l’Ukraine. Instant de gène
de mes interlocuteurs, puis la question que j’attendais :
-
Par
où pensez-vous passer ?
-
Nous
éviterons la Crimée évidemment.
Et pour être parfaitement certain que
nous nous sommes bien compris, on me montre l’option « recommandée »
pour éviter les ennuis.
-
Car
vous savez que nous sommes en guerre.
Le mot me semble fort. Je confirme
avoir bien reçu le message. On me libère. Encore un coup de tampon à la derrière
guérite du poste de douane et nous franchissons la barrière de nuits sous une
pluie toujours battante.
Bienvenu en Russie !

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