La journée avait pourtant bien démarré
sous un soleil presque radieux irradiant la vallée de l’Allier que nous
enjambons sur l’exceptionnel pont suspendu de Saint-Ilpize, ouvrage d’art
typique de l’ère préindustrielle. A cette époque tout semblait alors possible. Le progrès était
en marche pour le meilleur. Certes il arriva. Mais aussi le pire avec la
première guerre mondiale, premier carnage industriel, puis sa revanche après la
montée des périls nationalistes. Autre temps, autres mœurs ? L’histoire
est parfois têtue. A l’aube de l’ère numérique, de nouveau le monde ressemble à
une poudrière et les peuples Européen semblent frappés d’amnésie, laissant
prospérer les idées populistes les plus funestes.
Nous sommes le premier Mai, pourtant
cette nuit il a neigé.
Dès 800 m d’altitude les conifères ont
revêtu leurs atours de sapin de Noël. La température descend jusqu’à 2° et nous
devons stopper pour enfiler une couche supplémentaire, occasion d’une partie de
boules de neige comme des potaches en goguette. Il nous en faut peu.
Tout juste redescendu du Massif-Central
nous rebondissons sur les contreforts des Alpes aux sommets fraichement poudrés
perdu dans les brumes d’altitude, magnifiques tableaux d’une nature encore à l’état
brute qui me rappelle à d'autres aventures. Il fait froid et rien n’est alors meilleur dans un road trip à moto que
de s’arrêter au troquet de bord de route siroter un capuccino ou chocolat chaud
bien mousseux, l’occasion de parler de nos vies et du plaisir de
voyager sans autre but que de découvrir le monde avec des yeux
d’enfants et des fous rires d’adolescents, tout étonné de garder un esprit si
jeune dans des corps déjà vieillissants. Et se demander de combien de temps la
vie va nous gratifier pour profiter de ces instants précieux.
Nous redescendons le versant Italiens
des Alpes sous un ciel de traine encore encombrés de lourds nuages de pluie. Le paysage est détrempée, la température remonte à peine et l’humidité engourdit les articulations inhabituellement
sollicitées après de longues heures de moto en mode hivernal.

A seulement 3 km l’Hôtel Zenit. Nous tombons sur un « gourbi » des années 70 où deux longues tablée de jeune Africains dévorent un généreux plat de pâtes. La patronne qui respire la gentillesse nous accueille chaleureusement dans cette drôle d’ambiance. Tous ces jeunes hommes, des réfugiés semble-t-il, ont échoué ici pour le moment, attirés par l’Eldorado Européen, autre challenge pour les citoyens de notre continent.
Nous ne faisons que passer avec nos « belles
machines ». Ils nous regardent sans doute avec envie. Nous ne pouvons que
leur sourire.
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