Kilomètre 9100 de notre périple :
les hommes sont fatigués et les machines aussi (surtout celle de Didier). La
mienne vient de retrouver une nouvelle jeunesse, remettant son compteur à 5 chiffres
à zéro en passant la barre des 100 000 kms. Pas mal pour une vénérable
machine de 30 ans dans son jus.
…
Après la traversée du Caucase par la
route militaire, des images encore plein les yeux, le transit par la Russie pour
rejoindre l’Ukraine devait être une simple formalité. Il n’en a rien été.
D’abord ces routes aux interminables lignes
droites dans les plaines céréalières avec pour seule distraction l’iconographie
soviétique du vaillant peuple Russe, nombreux mausolées en béton peint,
parfaitement entretenus, magnifiant les soldats vainqueurs de l’envahisseur
nazi, ainsi que paysans et travailleurs ayant permis à la Russie socialiste de
se reconstruire.
Heureusement qu’il y eut le plantureux
déjeuner chez Malina pour égayer la journée, dans sa petite gargotte jouxtant
le bordel pour routiers en mal « d’amour » le long de la nationale.
Et ses petits bourgs poussiéreux que
l’on traverse presque sans y faire attention. Parfois une jolie église
orthodoxe égaille le paysage de ses coupoles dorées où turquoises comme des bijoux précieux. Les
kilomètres s’égrènent doucement sous les averses, et pour ne rien arranger dans
la froidure.
Nous rejoignons l’autre côté de la Mer
Noire, et longeons sa rive nord au-dessus de la Crimée jusqu’au petit poste
frontière avec l’Ukraine. Comme un fait exprès, à notre arrivée un violant
orage éclate. A moto, impossible dans ces conditions de sortir les documents
sous la pluie diluvienne devant la guérite de l’agent chargé du premier
contrôle visiblement surpris de nous voir arriver là. L’orage passe. Nous nous représentons. Il nous demande notre laissez-passer. Pas sûr d’avoir bien
compris nous présentons les passeports et le formulaire d’entrée en Russie.
Mais il insiste : un laissez-passer. Un deuxième agent le rejoint, puis
une jeune femme baragouinant l’anglais aidée de Google traduction ; tous
sur la même longueur d’onde à nous expliquer que nous sommes en zone de guerre.
Nous jouons les veuves effarouchées, expliquant qu’en tant que français cela ne
nous concerne en rien, que l’Ukraine est en zone Schenguen, et que donc rien ne
nous empêche quitter la Russie par ce poste. Inutile d’insister davantage. Nous
ne passerons pas et devons faire un détour de 700 km pour entrer par Belgorod
au nord de l’Ukraine.

Le soleil se couche et il est temps de
s’arrêter. Toujours des problèmes électriques sur la moto de Didier ne
permettant pas d’utiliser les phares.
Au hasard nous entrons dans un village
un peu retiré de la route principale. A peine arrêtés pour faire le point qu’un
policier vient nous « renseigner ». Cela tombe à pic car nous
cherchons un hôtel. Ni une ni deux, nous voilà en convoi jusqu’à un grand et
vieux bâtiment, sans plus d’indication, au milieu du bourg.
Véritable fossile de l’ère Soviétique,
tout y est : les affiches de propagandes, le comptoir en bois,
l’hygiaphone, le vieux salon en velours, les tapis poussiéreux, portes déglinguées et bien sûr l’escalier
en ciment. Nous devons être quasiment les seuls clients.

Dans son genre la chambre de l’hôtel
vaut aussi détour : lino marron imitation parquet, tapisserie à fleurs
entièrement d’origine, poignées de porte façon cristal et coulures de peinture
sur les carreaux. La salle de bain avec évacuation de la douche sous le lavabo.
Bref, du 100% CCCP dans son état d’origine.
…
Le lendemain, après 400 kilomètres de liaison
dans l’arrière-pays, et une panne d’essence (je vous laisse deviner qui de nous
à la plus gros… réservoir… Si si, c’est bien celui-là qui est tombé en panne –
heureusement qu’il y avait la demi-réserve) nous nous présentons aux douanes de
Belgorod. Accueil chaleureux et formalités rapidement expédiées. Nous sommes
loin des troubles de la Crimée.
Avec
une journée perdue dans ces conjectures, il va maintenant me falloir tracer la
route tout seul pour ne pas manquer mon avion de Dimanche en Roumanie. Dommage,
nous n’aurons pas le temps de passer à Tchernobyl.
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