dimanche 19 février 2012

Echouer n'était pas une option

Mercredi 15 Février :
Colera camp de base n°3 6000 m > le sommet 7000 m

3h30 heures du matin. Au terme d’un court moment de « repos », tente ballotée par des bourrasques soutenues, et température polaire, il est temps de se préparer pour notre départ prévu à 5h précises.
Tout d’abord s’habiller dans notre espace réduit :
Sous-vêtements techniques longs, puis pour les jambes sous-pantalon en fourrure polaire plus pantalon type Gore Tex doublé en polaire, sans oublier les chaussettes « de compétition ».
Pour le haut du corps 2 fourrures polaires l’une sur l’autre, une veste Gore Tex et un anorak.
En ce qui concerne la tête, une cagoule en polaire, un bonnet laine doublé polaire, le masque de protection et bien sûr la lampe frontale.
Je n’oublie pas non plus les chaussures de montagne avec chaussons intégrés, les crampons (à ne fixer qu’une fois sortie de la tente), ni les sous-gants en soie sur lesquels sont enfilée de grosses moufles.
Et bien croyez-moi, mais passer tout cela à deux, vers 4 heures du matin, dans l’espace réduit d’une petite tente, à 6000 m d’altitude, par moins 25° dehors  et en moins de 45 minutes est déjà un challenge.
Puis vient le petit déjeuner à avaler assis par terre, déjà tout habillé dans l’espace réduit tel que décrit précédemment. Ni facile, ni agréable : tasses de thé et biscuits aux fruits secs.

5 heures piles. Comme convenu Yves et moi sortons de notre tente au même moment qu’Ivan, notre guide, et Bruno son assistant, de la leur. Peu de paroles échangées, chacun est concentré, le froid et le vent ne facilitent pas la communication. Nous savons ce que nous avons à faire.

Sans plus attendre nous entamons doucement notre montée sous l’éclairage des frontales. Malgré le vent soutenu le ciel est d’une pureté absolue. Nous progressons sous la grande arche de la voie lactée, magnifique ciel de l’hémisphère sud aux constellations originales où les halos évanescents des Grand et Petit Nuages de Magellan ajoutent une indéniable touche de poésie.
Le crissement des crampons sur la glace rythme notre lente progression dans un froid sibérien. A travers la cagoule la respiration difficile dans un air raréfié oblige parfois à la baisser rapidement pour retrouver un supplément d’air.
Je jette un œil à mon altimètre : 6250 m. Nous marchons depuis près de 2 heures et n'avons progressé que 250 m de dénivelé. Il fait de plus en plus froid et j’attends avec impatience le premier rayon de soleil.
Progressivement le ciel grise à l’Est. Le jour se lève enfin quand nous atteignons « Independencia », sorte de petite terrasse enneigée exposée au vent  sous la ligne de crête. Je tente une photo mais l’appareil est gelé. Un regard sur mon thermomètre indique – 35°. J’ai un doute sur la fiabilité de l’information tant l’électronique est mis à l’épreuve dans ces conditions extrêmes. Je bois quelques gorgées de thé chaud de ma petite thermos mais oublie de manger un peu de solide (erreur que je paierai plus tard).
Après quelques minutes, sans un mot nous reprenons notre lente avancée vers le sommet, Ivan en tête, je le suis, puis Yves, Bruno notre guide assistant fermant la marche. Chacun est dans sa bulle concentré sur sa progression, cherchant sa respiration, luttant contre le froid, attentif à chaque pas. Imperceptiblement nous ralentissons. D’un petit pas toutes les deux respirations, nous passons à 3. Je crois percevoir qu’Yves décroche mais n’ai pas la force de me retourner pour le soutenir le sachant acompagné par Bruno.
Vers 6500 m nous marquons un court arrêt. Yves est à la peine et ressent de fortes gelures à la main droite. Devant nous le dénivelé est impressionnant : forte déclivité sur « un mur » de glace. La mort dans l’âme Yves décide de renoncer et rentrer à Colera avec Bruno retrouver Claude resté en stand-by. Nos regards se croisent, quelques mots d’encouragements et nous nous séparons.

Reste environ 500 m de dénivelé. Nous ne sommes plus que deux, Ivan en tête. Nous avançons de plus en plus difficilement sur une forte pente enneigée balayée par de violentes rafales : 1 pas toutes les 4 respirations… Notre marche ressemble un peu à celle saccadée des mantes religieuses. C’est dur mais nous poursuivons notre lente progression avec régularité, le sommet en vue sur notre gauche. Je n’ai pas froid et me dis que le sommet ne peut pas nous échapper.
Notre trajectoire s’incurve doucement vers la gauche, abritée par un impressionnant surplomb rocheux. Le sommet au-dessus duquel pointe le soleil est maintenant dans l’axe de notre trajectoire. La pente devient encore plus forte et glacée. Chaque pas doit être précis pour un bon accrochage des crampons. Et c’est comme si soudainement mes pieds ne parvenaient plus à mordre franchement la glace. A plusieurs reprises je manque mes prises et glisse « dangereusement ». Je me relève mais la tête me tourne. J’ai chaud, j’ai froid, ne sais plus exactement où j’en suis, où je suis... Il faut que je m’allonge, que je dorme « tout de suite ». Puis la conscience reprend le dessus. Mais qu’est-il en train de m’arriver ? De toute façon ça n’a plus d’importance, toute mon énergie a disparu. Je suis totalement atone. Je relève la tête vers le sommet. Tel un flash électrique la lumière éblouissante du soleil me stimule violement. J’aperçois Ivan en contre-jour. Visiblement il ne comprend pas immédiatement ce qui se passe. J’ai faim, je veux dormir. Plus rien n’a plus d’importance maintenant. Je m’assois sur la neige la tête entre les moufles. Ivan me tend une barre énergétique que je me force à avaler ainsi qu’un sachet de miel concentré. J’essaie de boire également. Le thé est glacé dans la thermos. Je me retourne vers le sommet. Plus que 300 m de dénivelé. Un « rien », mais je n’y arriverai jamais. De drôles de pensées me traversent l’esprit : tout arrêter et me laisser aller maintenant. Puis je croise le regard bienveillant de mon épouse, je sens sa chaleur, le sourire de ma fille, les encouragements de mes garçons, de amis si chers, et mes équipiers dans cette expédition que je ne peux pas décevoir. Je me relève, m'invective, demande à Ivan de me suivre, au cas où… et refais quelques pas. Je pleure, essaie de générer des images positives. Le visage de ma femme ne me quitte plus. J’avance en vers et contre tout ne lâchant plus le sommet des yeux. A cet instant rien au monde n’a plus d’importance que d'atteindre cet objectif pour ne pas décevoir, pour ne pas me décevoir.

Plus que 150 m. Cette fois le sommet ne peut plus m’échapper, j’en suis certain. J’avance comme un automate les yeux rivés sur l’objectif. Tout mon corps est parcouru de violents frissons,  stimulantes bouffées d’adrénalines, énergie du désespoir. Dernière moi je sens la présence rassurante d’Ivan. Je ne peux pas non plus le lâcher si près du but.
Encore 50 m. Je me sens mieux et retrouve une certaine paix intérieure. Mes pas redeviennent plus précis. Une merveilleuse sensation de bien-être m’envahit. Mes larmes de rage se transforment en joie intense. J'ai la sensation d'une incroyable légèreté, comme si mes pieds ne touchaient plus le sol.
J’y suis, nous y sommes : Ivan, mes équipiers, ma femmes, mes enfants, mes amis. Je me retourne et tombe dans les bras de mon guide.
Rapide coup d'oeil sur l'altimètre : 7000 m. A cet instant nous sommes au Paradis et profitons de ce moment magique « au-dessus de tout », embrassant sans bruit du regard des perspectives uniques sur la « terre de hommes ».


7 commentaires:

Anonyme a dit…

Super Fred tu peux dire ça c'est fait!
Tu as réussi a la force de ta préparation physique, technique et tu n'as a rien laché mentalement
Si la pensée de tes proches t'a aidée c'est aussi grâce a ton blogue au travers duquel nous suivons tes aventures passionnantes qui nous lient a tes récits et qui nous permet de rester présents par la pensée.
Alors nous voulons juste te dire chapeau et un grand MERCI de nous les faire vivre
A très bientôt Fred
Marco et Valy

Marinette Le Roux a dit…

Fred je ne vous connaîs pas mais en lisant votre ascension j'en avais les larmes aux yeux ...
surtout quand vous pensiez à votre femme vos enfants quelle belle preuve d'amour et quelle volonté.
Merci de nous avoir fait partager ce moment et un immense BRAVO, vos commentaires sont tellement humains. Bises Marinette

Benoit Birot a dit…

Félicitations !! Le récit est émouvant, poignant mais ça me semble vraiment extrême. Je vais démarrer gentiment par le mont-blanc :-)

Fred Grimaud a dit…

Le Mont-Blanc est en effet un très bon début, puis le Kilimandjaro, puis l'Aconcagua, puis ? puis ? l'Everest ! Mais ce sera une autre histoire.
A ta disposition pour en parler.

Fred

Matthieu Barré a dit…

Bravo Fred. C'est énorme... Quelle expérience ! Merci d'avoir partagé ces instants avec nous. Mes yeux se sont embués devant ce dernier billet. Enorme. Pour avancer... il faut aller au plus profond de soi.
WAW !

Voyageur a dit…

Bravo Fred et merci de nous avoir fait partager votre expérience, félicitation !

Jeanne Gabriel a dit…

La grande phytothérapie du Dr imoloa est le remède parfait contre le virus du VIH, j'ai été diagnostiqué du VIH pendant 8 ans, et chaque jour, je cherche toujours des recherches pour trouver le moyen idéal de me débarrasser de cette terrible maladie parce que je sais toujours que dont nous avons besoin parce que notre santé est sur terre. Ainsi, sur ma recherche sur Internet, j'ai vu plusieurs témoignages sur la façon dont le Dr imoloa peut guérir le VIH avec de puissants médicaments à base de plantes. J'ai décidé de contacter cet homme, je l'ai contacté pour des médicaments à base de plantes que j'ai reçus via le service de messagerie DHL. Et il m'a guidé comment. Je lui ai demandé une solution pour prendre des plantes médicinales pendant deux semaines. Et puis il m'a demandé d'aller vérifier ce que je faisais. Regardez-moi (VIH NÉGATIF). Merci à Dieu pour le Dr Imoloa d'avoir utilisé un puissant remède à base de plantes pour me guérir. il a également un remède pour des maladies telles que la maladie de Parkison, le cancer du vagin, l'épilepsie, les troubles anxieux, les maladies auto-immunes, les maux de dos, les entorses, le trouble bipolaire, les tumeurs cérébrales, malignes, le bruxisme, la boulimie, la discopathie cervicale, les maladies cardiovasculaires, les maladies cardiovasculaires, entorses, trouble bipolaire, tumeurs cérébrales, malin, bruxisme, boulimie, discopathie cervicale, maladie cardiovasculaire, maladie cardiovasculaire, entorses, trouble bipolaire, tumeurs cérébrales, malin, bruxisme, boulimie, discopathie cervicale, maladie cardiovasculaire, maladies respiratoires chroniques, maladie mentale et les troubles du comportement, la fibrose kystique, l'hypertension, le diabète, l'asthme, l'arthrite à médiation auto-immune. Maladie rénale chronique, arthrite, maux de dos, impuissance, spectre d'alcool fêta, troubles dysthymiques, eczéma, cancer de la peau, tuberculose, syndrome de fatigue chronique, constipation, maladie inflammatoire de l'intestin, cancer des os, cancer du poumon, plaies buccales, cancer de la bouche, douleurs corporelles, fièvre, hépatite ABC, syphilis, diarrhée, maladie de Huntington, acné du dos, insuffisance rénale chronique, maladie d'Addison, maladie chronique, maladie de Crohn, fibrose kystique, fibromyalgie, maladie inflammatoire de l'intestin, maladie fongique des ongles, paralysie, maladie de Celia, lymphome, dépression majeure , Mélanome malin, manie, mélorhéostose, maladie de Ménière, mucopolysaccharidose, sclérose en plaques, dystrophie musculaire, polyarthrite rhumatoïde, maladie d'Alzheimer email- drimolaherbalmademedicine@gmail.com / ou {whatssapp .. + 2347081986098}. site Web - http / www.drimolaherbalmademedicine.wordpress.com