Le pied de Lou ne va pas bien. Nous
décidons de remonter plus rapidement pour éviter tout risque d’aggravation. À
regret, quittant les pistes de montagne nous prenons les routes secondaires
vers le Nord à travers le massif de ľAtlas. Les villages se suivent sur ces
chemins sinueux et je refais le film de ce voyage emprunt d’un sentiment
mitigé, entre plaisir et frustration. L'accident est bête par définition, et se
blesser durement à la première chute est juste un mauvais coup du sort. Mais inutile
de ressasser tout cela et tentons de profiter quand même jusqu'au bout.
Arrêt pour déjeuner au bord de la route
dans la cabane d'un vieux bonhomme tout fripé à l'air sympathique. La saleté
des lieux n'a d'égale que l'air bienveillant du tenancier. Nous commandons
l'une des tajines en cuisson sur les fourneaux à gaz alignés sur son étal. Pas
de couverts, juste une galette de pain pour manger avec doigts. En préambule notre
homme nous propose de se laver les mains dans un bac d’eau croupie... Même pas
peur ! (Et rétrospectivement même pas malade non plus).
Le plat est de légumes est délicieux,
caramélisé juste comme il faut. Nous ne boudons pas notre plaisir, en
sirotant un thé à la menthe servit dans une théière en fer blanc, bosselée et
noircie comme les cafetières de cow-boys dans les bons vieux westerns.
Je demande l’addition en préparant
quelques Dirhams, l’équivalent de 5 Euros, quand notre homme me présente la note
manuscrite avec le chiffre rond magique de 100 (10 Euros). C’est évidemment
sans commune mesure avec la valeur de la Tajine, mais je n’ose pas contester,
lui donnant, un regard droit dans les yeux, le montant demandé. Il me renvoie
un petit sourire en coin. Nous nous sommes bien compris.
Les petites routes de montagne sont
magnifiques et nous ne voulons pas en manquer une miette. Alors on traine pour
profiter de la belle lumière de fin de journée sur ces paysages aux teintes singulières :
terres écrues aux nuances de rouge mêlées de jaune, kaki, gris, noir, dans un
pastel exceptionnel, sur lesquelles poussent de maigres arbustes au pied
desquels s’épanouissent de délicats petits cactus d’une étonnante couleurs
bleue lagon. De loin en loin quelques villages et maisons de terre isolées
égayées par du linge multicolores séchant sur des murets de pierres. Et les saluts
joyeux des enfants à notre passage…
Le temps presse. Nous rejoignons la
vallée, un autre monde, pour rattraper l’autoroute vers Cacablanca puis Rabat
et Tanger : 300 kms de nuit, sans phare pour Lou sur la Tenere, dans ma
roue. Nous terminons "à l'arrache" dans un hôtel à Larache, juste le temps d’une courte nuit
avant d’embarquer vers l’Europe demain matin.
Le voyage se termine ici, avec
certes quelques déceptions, mais sans aucun regret. L’imprévu est l’un des
ingrédients de l’aventure qu’il faut savoir prendre avec recul, même si cela fait
parfois mal… au pied.
1 commentaire:
Bravo pour l'endurance de Lou durant ce voyage et bon retablissement !
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