dimanche 19 août 2012

Visite à l'oncle Hô

De la baie de Ha-Long terrestre nous devions poursuivre jusqu’au golf de Tonkin pour découvrir le coté maritime de cette baie légendaire. Mais la météo en a décidé autrement et nous avons du rebrousser chemin vers Hanoï face à l’arrivée du typhon « Kai-Tak » en provenance des Philippines.
Donc retour à la capitale secouée par de violentes bourrasques sous une pluie diluvienne. Et partout dans les rues, des images quelque peu surréalistes de branches cassées, motos renversées, bâches et tôles envolées. A un carrefour un arbre entier tombé sur un taxi. Sûr, ça souffle et il ne doit pas faire bon se trouver en mer. Ce sera donc pour une autre fois.
Plan B : une petite visite à « l’oncle Hô », puis déambulations dans les villages traditionnels Viêts au nord ouest de la Hanoï.
Homme de culture, communiste convaincu, humaniste reconnu, « L’oncle Hô » est le surnom affectueux donné par les Vietnamien au père de la nation Hô Chi Minh, personnage à l’origine du Vietnam actuel, devenu légendaire. C’est lui qui proclama l’indépendance du pays en 1945, a battu les Français à Dien Bien Phu, oeuvra sans relâche pour la réunification du pays suite à la partition entre le nord et le sud au milieu des années 50, et ce jusqu’à sa mort en 1969 en pleine guerre contre les américains. Il ne pu donc voir son rêve exhaussé de son vivant, mais sa vision marqua tout un peuple qui aujourd’hui le vénère comme un saint homme, tant et si bien que, contre sa volonté, son corps est aujourd’hui exposé dans un mausolée ouvert au public à la façon de celui de Lénine au Kremlin… Notez bien que la comparaison s’arrête là.
L’approche du lieu est empreint de solennité : sous bonne garde militaire, et ce jour là sous une pluie battante, on marche doucement sur 2 lignes vers une massive construction carrée ornée de colonnes grecques supportant une toiture évoquant vaguement une fleur de lotus. Dans la file, des touristes évidemment, mais surtout beaucoup de Vietnamiens de tous âges venus ici en pèlerinage. Déjà l’ambiance est au recueillement. On accède à l’imposant bâtiment fait de granit poli et de marbre par un escalier entrant du côté gauche, et aussitôt la température chute fortement. Puis l’escalier tourne à droite pour continuer sa monté en sens opposé jusqu’à une porte sous bonne garde. Au franchissement du seuil, 2 soldats vous regardent de la tête au pied, tenue décante exigée, et indiquent d’une mimique tout à fait claire que les bras du visiteur doivent rester pendants : ni dans le dos, ni dans les poches. Sur la gauche, protégé par un sarcophage de verre, sous une lumière blafarde, le corps embaumé de Hô Chi Minh allongé les bras le long du corps recouvert d’une étoffe rouge. Son visage paisible, couleur cire, ses cheveux impeccablement coiffés tout comme sa barbichette clairsemée, ses mains aux longs doigts, c’est bien lui.
Plantés aux 4 coins du sarcophage, 4 soldats parfaitement immobiles veillent sur le corps du grand homme. Le mouvement de la visite tourne à bonne distance autour du tombeau par la gauche. Passé l’instant d’émotion devant cette image assez surréaliste, je regarde discrètement les visiteurs vietnamiens. Rien de très démonstratif, juste un recueillement intense de quelques secondes, où, en passant aux pieds du défunt, beaucoup esquissent un signe de tête discret, ou joignent les mains à plat pour un instant. Puis on ressort comme on est rentré, sans s’arrêter, de l’autre coté du bâtiment, descendant l’escalier sans bruit pour retrouver chaleur et moiteur tropicale. A ce moment seulement les langues se délient, doucement, sans éclat de voix. Le temps comme suspendu pour un instant « reprend son vol ».

A l’évidence l’oncle Hô n’a pas voulu cela mais le destin de son enveloppe terrestre lui a échappé. Se retrouver là tel un pharaon conservé dans une  pyramide à sa gloire était très certainement hors de propos pour cet homme modeste qui souhaitait que ses cendres soient dispersées au nord et au sud du pays réunifié. Les circonstances du moment en ont décidé autrement et sa dépouille est devenue malgré lui le symbole d’une cause politique.

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