lundi 27 août 2012

Navigation dans le delta du Mekong

Bercés par le « teuf-teuf » régulier du poussif moteur de l’embarcation en bois où nous sommes installés sur des chaises en osier tressé, dans une demi-torpeur nous nous enfonçons parmi les ramifications du delta du Mékong. C’est la mousson, et comme chaque après midi, une pluie lourde et tiède ajoute à la moiteur ambiante. Protégés sous une bâche fixée sur les arceaux métalliques faisant office de toit, nous profitons du paysage luxuriant de cette exubérante nature tropicale.
De part et d’autre du bras étroit ou nous sommes engagés, la mangrove plonge d’impressionnantes racines dans l’eau terreuse, comme des milliers de pailles aspirant l’abondant liquide couleur chocolat chargé d’alluvions.
Par moment, l’onde de notre sillage va se perdre dans un champs de lotus ondulant, où les poissons se plaisent à frayer à l’abris des larges feuilles flottantes ornées de fleurs magnifiques se refermant à la mi-journée pour se protéger des pluies diluviennes de la deuxième partie de journée.
Derrière le premier rideau de mangrove, des palmiers d’eau produisent d’impressionnantes noix ressemblant à de gros boulets métalliques affublés de piques triangulaires, puis une dense forêt de cocotiers chargés de milliers de noix vertes au pied desquels poussent des bananiers.
Au détour d’un méandre, nous débouchons sur un embarcadère sommaire où l’on surcharge de noix de coco de lourdes barques joufflues. Seulement signalées par quelques antennes TV dépassant de la végétation très dense, les maisons du village restent invisibles. A cet instant je ne peux m’empêcher de penser aux militaires occidentaux engagés ici en « opérations » dans des conditions à des années lumières de leurs repères habituels. Ils n’avaient aucune chance, ce qui a conduit les états major à décider de l’utilisation d’armes de destructions massives – défoliants et autres bombes au napalm – pour le résultat que l’on connait…

L’étrave de notre petit bateau continue de fendre doucement les eaux paisibles de ce dense réseau de ramifications. A la faveur d’une éclaircie, sous les rayons ardents du soleil la forêt fumante d’évaporation se resserre sur ce bras étroit où, entre les rideaux d’arbres, s’offre le spectacle d’un ciel contrasté chargé de lourds nuages bourgeonnants prêts à décharger leurs trombes d’eau.
Nous croisons quelques pêcheurs tout sourire à notre passage. Tandis que certains collectent des nasses savamment disposés dans la mangrove, d’autres, debout sur de frêles canots de bois lancent en surface, apparemment « au hasard », de larges filets arrondis dans un magnifique geste circulaire à la manière des faucheurs de blés au temps de nos grands parents, avant de les remonter immédiatement avec délicatesse, dans l’espoir d’attraper quelques poissons passant par là.

Ici la nature est généreuse et les hommes l’ont bien compris, exploitant ses ressources parcimonieusement ; subtil équilibre respecté depuis des générations.

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