dimanche 17 octobre 2010

La grande débrouillle

Samedi 16 Octobre :

Amar est le sympathique propriétaire de l’auberge Kem-Kem où nous avons passé la nuit à Trafraout (celui dans le sud qui n’est pas indiqué sur les cartes, car il existe au moins 2 Tafraoute au Maroc, donc un plus connu dans l’Atlas).
Petit homme jovial à la tête ronde illuminée d’yeux pétillants d’intelligence, son sourire enjoué surmonté d’une fine moustache lui donne un air de ces joyeux personnages que l’on retrouve dans les films de Marcel Pagnol.
Berbère d’origine, 40 ans bien qu’en faisant plus de 50, il est en fonctionnaire de l’état civil et nous explique son histoire pendant que nous prenons le petit déjeuner : dès l’âge de 8 ans, alors qu’il était encore berger à Merzougha il s’intéresse aux quelques visiteurs étrangers venu découvrir ce site remarquable, laissant paitre son troupeau sur les rives du lac au pied du grand Erg pour aller au contact des visiteurs tenter de leur vendre quelques fossiles trouvés dans les montagnes ; en fait un prétexte pour parler français « en vrai » et surtout comprendre les comportements des touristes alors encore peu nombreux. De là lui est née l’idée de développer une activité économique basée sur cette nouvelle ressource, idée concrétisée quelques 20 ans tard avec la création de sa modeste mais impeccable auberge au milieu de nulle part, sur « Kem-Kem », confluent de plusieurs oueds débouchant sur un lac asséché. Et lorsqu’il s’agit d’en faire la promotion, il a cette jolie phrase :
- Comme on ne peut pas lutter avec les murs, c’est avec le cœur qu’on fait la différence.


L’étape du jour nous conduit vers l’ouest dans l’extrême Sud, de Tafraout vers Mahmid, en rasant la frontière Algérienne.
Cette vaste région située au Nord du Grand Erg Occidental est baignée par les embruns sableux de cette énorme zone de dunes qui colorent reliefs et vallées d’une fine pellicule dorée, allant même parfois jusqu’à former d’impressionnantes congères, de celles que l’on retrouve « chez nous » dans les zones de montagnes enneigées l’hiver.
Nous roulons au cap au milieu de larges plaines bordées de reliefs montagneux dentelant l’horizon. En fond de vallée quelques excroissances rocheuses d’un noir intense brillant alternent avec de petites dunes blondes, créant des contrastes saisissant magnifiés par le ciel bleu cristallin. Impossible de ne pas tomber sous le charme de tels paysages exclusivement minéraux, sorte de jardin zen puissance dix.

De la contemplation nous passons au sport, accélérant sensiblement la cadence au fur et mesure de notre progression et de notre meilleure maîtrise des motos dans cet environnement. Nous ne faisons maintenant plus qu’un avec nos machines, profitant pleinement des grands espaces qui s’offrent à nous, allant même jusqu’à tenter quelques figures impossibles avant de renoncer et contourner la difficulté.

Tandis que nous arrivons très en avance sur notre estimation en vue de Mahmid, je perds Didier de vu dans mon rétro. Après quelques minutes d’attente à l’arrêt, je rebrousse chemin, espérant que rien de grave de lui soit arrivé, pour le retrouver avec soulagement quelques kilomètres plus loin, tout sourire, à l’ombre d’un arbuste en train de démonter sa roue avant crevée. Je ne m’attarderais pas d’avantage sur les deux heures suivantes qui n’ont été que laborieux montages redémontages de roue (3 fois… mais toujours dans la bonne humeur), faute d’avoir pu (su) réparer correctement les fuites des chambres à air crevées - passons les détails de cette lamentable affaire - et finir par remonter au forceps une chambre à air de roue arrière sur la roue avant. Les connaisseurs apprécieront…

Arrivant finalement à Mahmid, nous voilà engagés à la tombée de la nuit sur une piste sableuse vers un campement dans les dunes.
Chemin faisant laborieusement dans l’obscurité, je m’en veux un peux de m’être laissé embarquer dans cette « galère » alors que nous aurions très bien pu bivouaquer tranquillement ou prendre un petit hôtel « en ville » et m’en excuse platement auprès de Didier qui me répond du tac au tac :
- T’inquiète, laisse faire, les soirées à priori foireuses finissent souvent par de bonnes surprises.
Toujours sa fameuse instinctothérapie…
Il ne pensait pas si bien dire. Nous venons de rencontrer un magicien professionnel espagnol, également clown à ses heures, qui a conclu la soirée par une série de numéros de cartes et balles époustouflants. Finalement pas si mal pour un samedi soir !

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