vendredi 11 mai 2018

Vers l'Eldorado



La feuille de route du jour est des plus simples : 200 km de piste depuis Boudnib vers Merzougha, petit village niché au pied de l’Erg Chebbi.
Cap sud-ouest pendant 75 km, puis  65 km Est-Sud-Est jusqu’à une étroite passe pour descendre du plateau rocailleux vers la vallée sablonneuse. Ensuite de nouveau Sud-Ouest pour rejoindre l’oued descendant plein sud vers le grand Erg. 
L’ayant déjà fait plusieurs fois tant en 4x4 qu’en moto, ça ne devrait pas poser de problème. Reste donc à prendre du plaisir en pilotant des machines de rêve dans cet univers minéral aux dimensions XXL.

Tous pleins fait des 4 réservoirs (2 à l’avant, 2 à l’arrière), nous partons doucement pour éprouver nos motos dans leur environnement naturel. Et il faut dire que les premières impressions sont sensationnelles : légèreté, motricité, amortissement. Rien à voir avec nos vielles Africa-Twin ou autre Ténéré d’un autre âge. On profite alors de l’environnement en Grand, tout en prenant du plaisir, de celui que ressent probablement le cavalier d’un pur-sang au galop dans une vaste plaine.

Ouvreur du jour, je surveille Didier dans mon petit rétroviseur et me retourne régulièrement pour m’assurer qu’il est bien là. Non par prétention de le lâcher, plus par crainte d’un problème technique ou d’une chute malencontreuse toujours possible.

Au 30ème km, ne voyant plus le scintillement du puissant phare à led, je stoppe pour attendre mon coéquipier. Quelques minutes passent, toujours rien en vue. Rapide demi-tour pour rebrousser chemin sur ma trace. Il a dû lui arriver quelque chose…
Je le retrouve 2 kilomètres plus loin. Pas bon signe, le carénage de la moto est démonté. Grand moment de solitude en découvrant sous le moteur une large flaque d’huile. Didier fait grise mine.
En fait, sur une bosse un peu prononcée, la moto a talonné, éjectant dans le garde boue avant le bidon d’huile de secours mal attaché, maculant la moto tout en la stoppant violemment. Tandis qu’à l’arrière, au même moment la chaine a sectionné la durite d’essence du réservoir antérieur droit, laissant s’écouler l’essence sur le moteur chaud… La situation n’est pas brillante, mais rien d’irréversible apparemment.
On répare en se disant qu'il n’y a décidément pas de détail sur ce type de machine pointue préparée au millimètre. Et que depuis le départ, nos petits problèmes auraient pu être anticipés avec plus de rigueur dans la préparation.

Repartant les mains pleines de cambouis, nous nous diluons dans ces paysages grandioses où se mêlent chaos, douceur et éblouissements. Chaos de ces effondrements rocheux, douceur incomparable des ondulations sablonneuses, éblouissement de la lumière crue et scintillante sur les cristaux de mica. A cet instant nous ne sommes plus que des molécules organiques égarées dans cette immense nature minérale, seuls au monde et hors du temps, immergés dans une 4ème dimension où évasion et liberté vous transporte jusqu’à la jouissance.

Une nouvelle fois je perds Didier. Demi-tour pour le retrouver furieux en train d’arracher à la main son garde-boue avant qui n’a pas résisté à l’incident précédant, et vient de passer dans la roue. Heureusement sans gravité. Ce n’est décidément pas son jour, avec cette désagréable impression de détruire une machine pourtant préparée avec le plus grand soin.

l’Erg Chebbi se découvre à l’horizon entre les reliefs, énorme masse de sable dorée telle l'eldorado saharien des images d’Epinal.
La progression devient plus technique sur des surfaces meubles et sablonneuses au creux de larges oueds. Là il faut rouler avec le cœur, pilotage engagé à la poignée de gaz. C’est technique, physique et valorisant pour le pilote. Nos machines nous y aident bien et l’on s’en donne à cœur joie.
La surface redevient plus ferme et plus stable. On se laisse alors couler jusqu’au creux des grandes dunes et l’auberge Amazir de notre ami Larbi, paysage toujours magique qui à lui seul vaut le voyage.

(Désolé, pas de photos aujourd'hui, faute de débit internet. Demain peut-être) 




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