Tous les voyages révèlent des lieux
singuliers où se s’ajoutent de surprenantes émotions au plaisir intense de l’instant
présent.
Boudnib est de ceux-là.
La première fois on y arrive presque
par hasard en sortant des pistes du Plateau du Rekam par l’acrobatique Col de
Belkasem, étroite passe rocailleuse où les rochers forment de hautes et
irrégulières marches naturelles. Ici une chute à moto pourrait avoir de
sérieuses conséquences. Et c’est aussi là que nos machines de course font la
différence. Quel pied que de piloter de tels engins aux capacités de
franchissement hors du commun !
Puis on y revient, attiré par le
magnétisme de ce village aux portes du Sahara. Une
madeleine de Proust pour voyageurs en quête de grands espaces. Nous en
sommes et ne boudons pas notre plaisir de descendre dans l’un des hôtels les
plus crasseux du Maroc, resté dans son jus de saleté depuis deux décennies que
nous nous y arrêtons.
Mais il faut reconnaître que l’endroit
est intéressant, sur la place la plus animée du village, ombragée de palmiers dattiers,
et inondée le soir d’une lumière magnifique. On y retrouve alors toutes les
générations venues profiter du lieu, simplement pour palabrer ou faire des
emplettes aux échoppes entourant l’esplanade poussiéreuse.
L’ancien propriétaire de l’hôtel, un vieux
Monsieur hors du temps n’est probablement plus de ce monde. C’est maintenant
son fils qui se laisse vivre sur la gargote en décrépitude. Un vieille femme,
peut-être sa maman, assure une cuisine simple et délicieuse. On s’installe sur
la terrasse pour s’abandonner en regardant toute l’agitation du coin, se
raconter la journée et imaginer la suivante. Seule compte alors la magie de l’instant,
celle-là même qui pousse le voyageur à avancer pour se créer d’autres moments
magiques, parfaitement « inutiles », mais tellement indispensables au
goût simple du bonheur.
23h, les échoppent ferment bruyamment leurs
rideaux de fer sous un ciel d’encre piqueté d’étoiles. Les derniers clients
quittent nonchalamment les terrasses des cafés en trainant les pieds.
Laissant place au silence, une nouvelle
journée s’achève aux portes du désert. Demain nous partons pour une grande
navigation dans le Grand-Sud.
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