jeudi 10 mai 2018

Boudnib : la porte du Désert



Tous les voyages révèlent des lieux singuliers où se s’ajoutent de surprenantes émotions au plaisir intense de l’instant présent.
Boudnib est de ceux-là.
La première fois on y arrive presque par hasard en sortant des pistes du Plateau du Rekam par l’acrobatique Col de Belkasem, étroite passe rocailleuse où les rochers forment de hautes et irrégulières marches naturelles. Ici une chute à moto pourrait avoir de sérieuses conséquences. Et c’est aussi là que nos machines de course font la différence. Quel pied que de piloter de tels engins aux capacités de franchissement hors du commun !
Puis on y revient, attiré par le magnétisme de ce village aux portes du Sahara. Une madeleine de Proust pour voyageurs en quête de grands espaces. Nous en sommes et ne boudons pas notre plaisir de descendre dans l’un des hôtels les plus crasseux du Maroc, resté dans son jus de saleté depuis deux décennies que nous nous y arrêtons.
Mais il faut reconnaître que l’endroit est intéressant, sur la place la plus animée du village, ombragée de palmiers dattiers, et inondée le soir d’une lumière magnifique. On y retrouve alors toutes les générations venues profiter du lieu, simplement pour palabrer ou faire des emplettes aux échoppes entourant l’esplanade poussiéreuse.
L’ancien propriétaire de l’hôtel, un vieux Monsieur hors du temps n’est probablement plus de ce monde. C’est maintenant son fils qui se laisse vivre sur la gargote en décrépitude. Un vieille femme, peut-être sa maman, assure une cuisine simple et délicieuse. On s’installe sur la terrasse pour s’abandonner en regardant toute l’agitation du coin, se raconter la journée et imaginer la suivante. Seule compte alors la magie de l’instant, celle-là même qui pousse le voyageur à avancer pour se créer d’autres moments magiques, parfaitement « inutiles », mais tellement indispensables au goût simple du bonheur.
23h, les échoppent ferment bruyamment leurs rideaux de fer sous un ciel d’encre piqueté d’étoiles. Les derniers clients quittent nonchalamment les terrasses des cafés en trainant les pieds.
Laissant place au silence, une nouvelle journée s’achève aux portes du désert. Demain nous partons pour une grande navigation dans le Grand-Sud.



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