Nous arrivons dans le grand sud de la
Chine, là où comme bien souvent ailleurs on parle un dialecte local. Et le cantonais
a ceci de particulier que pourtant sans rien y comprendre, il est reconnaissable
entre tous à ses intonations trainantes de fin de phrase, comme une espèce de
nonchalance.
Pourtant les gens sont ici plus
actifs, plus exubérants, plus joviaux apparemment, plus directs aussi, et un
peu rudes de temps en temps. On parle plus fort qu’ailleurs, boit sans doute
plus qu’ailleurs et mange tout ce qui « nage, rampe, marche ou vole le dos
vers le ciel » (signe de fraîcheur…)
Nous sommes justement invités à diner
autour d’une spécialité locale, la soupe de dragon, tigre et phénix ! Ca
promet…
Le lieu n’est pas désagréable bien
que d’une hygiène approximative. Au milieu de la table ronde le contenu d’une sorte
de grande cocotte en terre mijote déjà en dégageant une odeur d’épices assez
prononcée.
On s’installe et commence par un
coup d’alcool à 57°, histoire de bien préparer l’estomac à la suite du
repas qui s’annonce, dirons-nous, spécial.
Une jeune femme arrive à coté de
notre table une bassine à la main. A l’intérieur un gros serpent jaune et noir,
heureusement mort. Avec une paire de ciseaux elle en débite de gros morceaux qu’elle
jette ensuite dans la cocotte ou flotte déjà d’autres morceaux d’origine
inconnue. Le dragon est parti pour une cuisson de 20 minutes.
Passée l’émotion de la découverte du dragon,
nous reprenons le fil de notre discussion sur la crise sévissant en Chine
depuis plus d’un an suite aux nouveaux cas de grippe aviaire dont les médias ne
se lassent pas de faire la « promotion », et qui contaminent l’opinion
publique au point de faire chuter drastiquement la consommation de volailles.
Alors on se console avec ce qui reste...
Notre hôte nous indique que la cuisson
est terminée et que nous pouvons commencer. Avant de goûter je m’étonne qu’elle
prenne autant de soin à écumer les yeux flottant sur le bouillon. Puis elle me
sert une bonne tranche de serpent.
Quand faut y aller !
Je les vois attaquer avec les doigts,
car la bête est coriace. La peau ressemble à du caoutchouc et j’avoue ne pas
arriver à la manger, seulement le peu ce chair blanche sur l’os, viande dure,
élastique et insipide. Et tout le monde rigole en me voyant faire contre
mauvaise fortune bon cœur.
Tandis que je me débats toujours avec
le premier, on me sert un deuxième morceau, puis un troisième à l’aspect très
différent, de couleur brune avec une odeur assez prononcée.
-
Try,
try, me dit l’épouse de notre client tout sourire.
-
OK,
OK, I try. Mais qu’est ce que c’est ?
Tout le monde rigole et on me ressert
un verre d’alcool. Pour y échapper j’enfourne une bouchée. Entre deux maux.
En bouche cela résiste encore,
toujours aussi élastique, mais avec un goût très prononcé. J’observe mes
coéquipiers dont la mine un peu médusée m’étonne. Peut-être les effets de l’alcool. Je n’ai pas terminé qu’un autre morceau choisi m’est imposé.
-
Tiger,
tiger meat ! s’esclaffe t’on autour de la table.
Mais au fait, de quoi s’agit-il
vraiment ? Je pose alors la question à mes collègues visiblement un peu gênés
au moment ou l’on me sert ce qui ressemble à une grosse queue de rat. Passé l’instant
d’effroi, j’insiste pour savoir ce dont il s’agit.
-
Du
tigre me redis Shuchen visiblement un peu embêté. Avant de lâcher, en fait c’est
du chat.
Grand instant de solitude et self-control
pour retenir la montée d’une irrésistible nausée en regardant la queue du chat
dans mon assiette. Et allez savoir pourquoi, je revois alors mon hôte écumer le
gras (de chat) sur le bouillon au début du repas. Beurk !
Le dragon, le tigre… Mais alors, le
phénix ? J’hésite à poser la question, essayant d’imaginer ce dont il
pourrait s’agir. Oiseau légendaire qui renait de ses cendres… Qu’on t-il bien
pu inventer. De toute façon, au point où nous en sommes ça peut difficilement
être pire.
-
Et
le phénix ?
-
Tu
ne vois pas me répond Shuchen.
-
J’imagine
un oiseau…
-
Tu
y es, et tu vas adorer. C’est du poulet.
-
C’est
tout ?
Et l’on me sert alors un pied du
volatile.
Il y a des moments où l’on
se contenterait volontiers d’une assiette de purée jambon blanc.
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