dimanche 23 février 2014

Tour du monde express - étape 7 : Nankin - Canton



Nous arrivons dans le grand sud de la Chine, là où comme bien souvent ailleurs on parle un dialecte local. Et le cantonais a ceci de particulier que pourtant sans rien y comprendre, il est reconnaissable entre tous à ses intonations trainantes de fin de phrase, comme une espèce de nonchalance.
Pourtant les gens sont ici plus actifs, plus exubérants, plus joviaux apparemment, plus directs aussi, et un peu rudes de temps en temps. On parle plus fort qu’ailleurs, boit sans doute plus qu’ailleurs et mange tout ce qui « nage, rampe, marche ou vole le dos vers le ciel » (signe de fraîcheur…)
Nous sommes justement invités à diner autour d’une spécialité locale, la soupe de dragon, tigre et phénix ! Ca promet…

Le lieu n’est pas désagréable bien que d’une hygiène approximative. Au milieu de la table ronde le contenu d’une sorte de grande cocotte en terre mijote déjà en dégageant une odeur d’épices assez prononcée.
On s’installe et commence par un coup d’alcool à 57°, histoire de bien préparer l’estomac à la suite du repas qui s’annonce, dirons-nous, spécial.
Une jeune femme arrive à coté de notre table une bassine à la main. A l’intérieur un gros serpent jaune et noir, heureusement mort. Avec une paire de ciseaux elle en débite de gros morceaux qu’elle jette ensuite dans la cocotte ou flotte déjà d’autres morceaux d’origine inconnue. Le dragon est parti pour une cuisson de 20 minutes.

Passée l’émotion de la découverte du dragon, nous reprenons le fil de notre discussion sur la crise sévissant en Chine depuis plus d’un an suite aux nouveaux cas de grippe aviaire dont les médias ne se lassent pas de faire la « promotion », et qui contaminent l’opinion publique au point de faire chuter drastiquement la consommation de volailles. Alors on se console avec ce qui reste...
Notre hôte nous indique que la cuisson est terminée et que nous pouvons commencer. Avant de goûter je m’étonne qu’elle prenne autant de soin à écumer les yeux flottant sur le bouillon. Puis elle me sert une bonne tranche de serpent.
Quand faut y aller !
Je les vois attaquer avec les doigts, car la bête est coriace. La peau ressemble à du caoutchouc et j’avoue ne pas arriver à la manger, seulement le peu ce chair blanche sur l’os, viande dure, élastique et insipide. Et tout le monde rigole en me voyant faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Tandis que je me débats toujours avec le premier, on me sert un deuxième morceau, puis un troisième à l’aspect très différent, de couleur brune avec une odeur assez prononcée.
-      Try, try, me dit l’épouse de notre client tout sourire.
-      OK, OK, I try. Mais qu’est ce que c’est ?
Tout le monde rigole et on me ressert un verre d’alcool. Pour y échapper j’enfourne une bouchée. Entre deux maux.
En bouche cela résiste encore, toujours aussi élastique, mais avec un goût très prononcé. J’observe mes coéquipiers dont la mine un peu médusée m’étonne. Peut-être les effets de l’alcool. Je n’ai pas terminé qu’un autre morceau choisi m’est imposé.
-      Tiger, tiger meat ! s’esclaffe t’on autour de la table.
Haut les cœurs. Allons-y pour une deuxième bouchée de tigre. De tigre ?! 
Mais au fait, de quoi s’agit-il vraiment ? Je pose alors la question à mes collègues visiblement un peu gênés au moment ou l’on me sert ce qui ressemble à une grosse queue de rat. Passé l’instant d’effroi, j’insiste pour savoir ce dont il s’agit.
-      Du tigre me redis Shuchen visiblement un peu embêté. Avant de lâcher, en fait c’est du chat.
Grand instant de solitude et self-control pour retenir la montée d’une irrésistible nausée en regardant la queue du chat dans mon assiette. Et allez savoir pourquoi, je revois alors mon hôte écumer le gras (de chat) sur le bouillon au début du repas. Beurk !

Le dragon, le tigre… Mais alors, le phénix ? J’hésite à poser la question, essayant d’imaginer ce dont il pourrait s’agir. Oiseau légendaire qui renait de ses cendres… Qu’on t-il bien pu inventer. De toute façon, au point où nous en sommes ça peut difficilement être pire.
-      Et le phénix ?
-      Tu ne vois pas me répond Shuchen.
-      J’imagine un oiseau…
-      Tu y es, et tu vas adorer. C’est du poulet.
-      C’est tout ?
Et l’on me sert alors un pied du volatile.

Il y a des moments où l’on se contenterait volontiers d’une assiette de purée jambon blanc.

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