Mon voisin fait un signe de croix. Plein gaz pour le décollage de La Paz dans le petit Embraer 190. J’aime cette sensation d’accélération au roulage. Ca pousse dans le dos sans à-coup en ayant l’impression que ça ne va jamais s’arrêter. Puis soudain un violent freinage accompagné des « reverses » à fond. Nous sommes projetés vers le dossier du siège de devant et mon voisin refait des signes de croix à toute vitesse avant de joindre les mains comme pour une prière. Moi j’espère que la piste est assez longue pour ne pas finir dans les cactus…
Même pas mal ! Au bout du tarmac
nous faisons demi-tour pour revenir à l’aérogare. Problème technique à priori.
3 heures se passent dans l’aérogare
avant que l’on nous annonce finalement l’annulation du vol. Et merde, il va
falloir recaler tout le programme de ce tour du monde express ajusté au
millimètre par Delphine.
Une heure de palabre avec l’agent
Aeromexico pour évaluer les meilleures options de re-routage, et retour à
l’hôtel pour une longue nuit, n’ayant d’autre option que de repartir le
lendemain midi. La Paz c’est un peu le bout du monde… En même temps il y a
largement pire. Alors pas de quoi s’énerver et c’est le week-end après tout.
…
Cette fois-ci c’est la bonne.
Décollage sans encombre pour un vol plein nord le long de la côte Pacifique
vers La cité des Anges.
A droite le désert poussiéreux de la
péninsule de Basse Californie, zone géologique complexe qui à certains endroits semble
de diluer dans le pacifique en subtiles arabesques dorées, tandis qu’à d’autres moments
l’océan y pénètre en déposant par évaporation des lacs asséchés de sel
immaculées. Ici pas d’activité humaine visible, sauf un réseau de quelques
fines traces comme dessinées au crayon sur le sol, pareilles à celles des
passages de fourmis dans les jardins.
Sans transition l’activité humaine
reprend en rejoignant Ensenada. Tout d’abord des zones cultivées au milieu du
désert, tâches vertes presque fluorescentes, puis ces villes aux accents d’eldorado :
Tijuana, San Diego, Long Beach et sa plage légendaire, avant la longue descente
vers LA au dessus de cette ville immense organisée en milliers de blocs carrées,
quartiers où sont regroupées maisons et bâtiments entre les grandes avenues.
Un peu après San Diego on aperçoit la
jolie coupole blanche de l’observatoire du Mont-Palomar, lieu mythique de l’astronomie
moderne avec son grand télescope de 5 mètres de diamètre longtemps resté le
plus puissant du monde.
Los Angeles, comme San Francisco ou
New-York, représente l’Amérique ouverte sur le monde. New-York d’un coup d’ailes
sur l’Atlantique pour les Européens. LA sur le Pacifique pour les Asiatiques si
nombreux ici : Chinois, Japonais, Coréens.
J’ai un peu de temps et c’est samedi.
Alors je me paye un tour de taxi vers le down-town histoire de revoir les
avenues bordées de palmiers aux troncs immenses sur les larges trottoirs de
bétons où l’on fait du roller.
Au hasard je me fais déposer dans un Starbucks
Café, juste pour le plaisir de regarder les gens en sirotant un thé XXL. Je
passe ma commande et tends un billet de 20$ au comptoir.
-
« Et
voilà Monsieur » me fait en français dans le texte la sympathique serveuse
au moment de rendre la monnaie.
Je la regarde étonné.
-
You
look so french me répond t-elle tout sourire.
Et là je dois avouer que j’ai un
doute. J’ai certes un accent français marqué, mais tout de même. Nous n’avons
échangé que quelques mots. Il est vrai que chez nous un seul mot d’un italien
suffit souvent à l’identifier…
Observer les gens dans un troquet est
une activité fort distrayante. On pourrait y passer des heures sans vraiment se
lasser tant la nature humaine est variée et pourtant tellement prévisible.
Entre congénères de la même espèce il est des traits de comportement universels
attachés à nos gènes les plus anciens. Et la modernité n’y change rien.
Il y a là toute une petite société, alors
que chacun pourrait très bien faire la même chose chez soit : lire un
bouquin, surfer sur le web, écouter de la musique sur son i pad en sirotant un
café et mangeant un muffin. Alors pourquoi ce besoin de se retrouver sans
nécessairement se dire quelque chose ? Sans doute l’esprit
grégaire de notre espèce qui fait sa force ou sa faiblesse, selon la façon dont
on voit les choses.
Je ne suis pas assis depuis un quart
d’heure qu'un gars m’aborde, cette fois-ci bel et bien en anglais, sans
autre but que savoir d’où je viens et ce que je fais à LA. On bavarde
tranquillement lorsqu’un troisième larron s’en mêle, puis une jeune fille. Et
nous voilà parti dans de « grandes considérations » sur ce qui fait
tourner le monde et surtout le ralenti : selon eux le conservatisme de
ceux qui nous gouverne et le trop de régulation au moment où la globalisation
change les règles. Tien, cela me rappelle quelque chose…
Pas de doute qu’il se dégage d’ici
une énergie particulière, mélange de spontanéité positive naturelle et de frime
qui fait tout son charme. Hollywood est aussi ici.
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