mercredi 10 novembre 2010

Le jour le plus long

Lundi 5 heures du mat’ : p’tites nuit entrecoupée de rêves apparemment décousus. Dehors il pleut à verse, prémisse de la tempête annoncée. Le boule au ventre je descends petit déjeuner en écoutant distraitement France-Info : l’actualité sportive après le week-end puis la poursuite des mouvements sociaux contre la réforme des retraites et toujours les spéculations journalistiques sur le remaniement ministériel annoncé… Merde in France !
Pas faim et pas envie de partir. Y’a des jours comme ça où la pression professionnelle combinée au trop de plein de voyages, plus exactement à l’éloignement, pèsent lourd. Serait-il facile de faire autrement ? Tu parles...
Chercher cette énergie vitale qui me porte : la vie à fond dans toutes ses composantes – personnelles, familiales, amoureuses, amicales, professionnelles – en tentant de tout concilier. Quel défi ! Sûr le temps est le vrai luxe. Vouloir tout faire exige de vivre au chrono, au risque d’aller trop vite et ne plus voir que le défilement de paysages furtifs aux fenêtres d’un train lancé à grande vitesse, alors qu’on aimerait tant pouvoir profiter d’avantage, s’arrêter tranquillement, prendre le temps d’observer, de découvrir, tout simplement de mieux jouir de l’instant. Quadrature du cercle…
6 heures, je referme la porte de la maison encore endormie, quittant avec mélancolie une nouvelle fois les miens, port d’attache ô combien important.
Décollage dans 1h25. Je roule vite vers l’aéroport sous les trombes d’eau.
Parking de la voiture puis enregistrement « just on time ». Par hasard je croise en salle d’embarquement 4 équipiers de 2 entreprises du Groupe. Les uns partent vers les Amériques et l’autre vers l’Asie. Le monde est notre village. Quant à moi ce sera les deux : la Chine puis les USA, aujourd’hui Ying et Yang de l’économie mondiale. Je pars vers le soleil levant pour revenir à la maison par l’Ouest dans 12 jours, tour du monde express pour soutenir le développement de notre aventure industrielle.
Petit vol Nantes-Paris dans une désagréable somnolence un peu nauséeuse, puis transfert du terminal 2D au 2E, opportunité pour se dégourdir les jambes. J’émerge un peu en préparant mentalement mon rendez-vous téléphonique de 9h30.
Rapide arrêt à une boutique Duty Free acheter des parfums, cadeaux pour nos clients Chinois. Vendeuse souriante à l’accent Italien d’excellent conseil. Charmante.
9h45 : conférence téléphonique puis embarquement dans le triple 7 de China Southern Airlines. Avion à moitié plein, je suis surclassé en business. Petit privilège des grands voyageurs.
Sous les rafales l’avion décolle en crabe avec une heure de retard du au trafic ralenti par le temps exécrable sur la plate forme de Roissy CDG.
Ca turbule sec pendant la monté initiale. Nous traversons l’épaisse couche de nuage dont les volutes grises ressemblent à de la neige sale. Sans transition la cabine est d’un coup inondée d’une lumière intense, presque surnaturelle. Tels des lasers parfaitement alignés, les rayons du soleil transpercent les hublots remplissant l’espace de leur énergie cosmique. Au même instant l’air devient calme, lisse, froid, ciel d’un bleu profond au dessus d’une opaque couche de nuages immaculée.
Volant à 900 km/h vers l’Est nous atteignons notre altitude croisière. Mon trac se dissipe doucement dans la stratosphère, laissant pour quelques heures la pression sur la « Terre des Hommes », bercés par le ronron régulier des moteurs de la belle machine volante.
C’est vrai, j’aurais aussi aimé être pilote de ligne.



Mardi 5h30 : Petit matin calme sur l’aéroport de Canton au terme d’un vol de 10h30 au cours duquel le temps s’est compressé de 7 heures. Voyager vers l’Est grignote le temps heure par heure au long du franchissement des fuseaux horaires.
Dans une demi-torpeur je passe les formalités douanières Chinoises avant de me rendre au terminal B pour ma connexion vers Nanning porte B213.
A travers les verrières de l’aérogare je profite du levé du soleil sur le tarmac où commence le balai des avions vers toutes les destinations intérieures Chinoises.
Rapide stop au salon de la compagnie pour boire un jus d’orange et manger un œuf dur en envoyant les e.mail traités pendant mon vol depuis Paris. Quelle révolution technologique tout de même. Dire qu’il n’y a pas 15 ans, partir au bout du monde était synonyme de coupure avec sa base pour plusieurs jours. Tandis qu’aujourd’hui, presque partout sur le globe il suffit d’appuyer sur le bouton « on » de l’ordinateur et du téléphone cellulaire pour retrouver instantanément la connexion avec le monde, incroyable gain de temps en même temps que véritable addiction au signal de réception… Ne pas avoir de réseau n’est même plus supportable. Et je me souviens du propos de ma grand-mère paternelle, décédée il y a tout juste un quart de siècle au bel âge de 90 ans qui, à l’aurore d’une vie simple à la campagne, me répondit sans hésiter : « le téléphone », à la question de ce qui lui semblait avoir été le plus grand progrès technologique au cours de sa longue vie. Ce qui à l’époque m’avait semblé presque étonnant, elle qui avait vu naître l’électricité, l’automobile, l’avion, vu l’homme poser le pied sur la Lune…
Que dirions-nous aujourd’hui ?
Arrivée à Nanning où je retrouve mes équipiers Chinois accompagnés d’un client. Sans transition nous filons vers le couvoir pour une visite express. Il fait presque chaud et j’ai quelque peu l’impression de baigner dans mon jus, parti de la maison depuis déjà plus de 24 heures. En fait de visite de couvoir, nous passons surtout 2 heures à palabrer en fumant une sorte de pipe en bambou trempant dans un bac au fond duquel une eau pour le moins saumâtre fait office de filtre ; chicha à la mode chinoise. L’odeur acre de la fumée me monte à la tête et je prends une aspirine de précaution…
14h30 : entassés à 8 dans un minibus nous quittons Nanning vers Guilin, 400 km au Nord-Est. La journée continue les genoux coincés dans le dossier du siège de devant. Je n’arrive pas à trouver de position relaxante tandis que nous slalomons entre les camions sur l’autoroute. La route est longue…
20h : nous apercevons Guilin et je n’ai qu’une envie, m’allonger sur un vrai lit. Au lieu de cela nous entrons dans un restaurant pour diner avec des clients. Je m’invective intérieurement. C’est un marathon : « cours, Forest cours ! » Pas le moment de lâcher alors que les choses sérieuses commencent maintenant. Il s’agit de faire bonne figure, histoire de convaincre malgré la barrière de la langue. On picole. On rigole. Je joue le jeu. Et comme toujours en Chine, le dîner semble se terminer en queue de poisson par un « au revoir » un peu précipité sans poignée de main. Tout est normal.
21h30 : nous rejoignons enfin l’hôtel. J’ai une réunion téléphonique dans 30 minutes avec la France où il sera 15h et les USA où il sera 9h. Petite planète.
23h45 : fin de la réunion. Encore un appel sur skype avec la Belgique pour calage final d’un budget.
00h45 mercredi matin : fin du jour le plus long pour le p'tit soldat Grimaud, modeste acteur de la bataille économique mondiale .
Claqué, vidé, je m’affale sur le lit comme un zombi. Dormir vite maintenant. Demain sera un autre jour.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Fred,
Dur dur le voyage en avion et le décallage horaire. Puise dans les réserves et rappelles toi notre escapade de retour du Maroc avec 1200 kms en moto dans la journée. C'était dur mais tellement bon faire route ensemble pour retrouver ceux qu'on aime en se disant plus que 500 plus que 300 plus que 150 et voilà on est arrivé ! Je sais que tu aimes les extrèmes et c'est dans ces moments la que l'on trouve l'énergie pour aller plus loin. Bon voyage Fred
Did un peu envieux de voir les points gps sur la carte

Anonyme a dit…

Merci pour ton mot sympa Did. J'apprécie. Comme tu sais le parcours de voyageur n'est pas tous les jours un fleuve tranquille - la vie en générale - et la challenge n'est pas toujours là où on l'attend. Il y des petits moments comme ça. Mais ça fait parti de la vie. On s'accroche. On passe la difficulté pour en ressortir "grandit".
A très vite.
Fred