samedi 13 novembre 2010

Quand deux époques se côtoient

Il est très possible que ma dernière chronique soir vous ait, si j’ose dire, laissé un mauvais goût… Et comme il ne faut surtout ne pas tirer de conclusion générale à partir de rares cas aussi « extraordinaires » soient-ils, je vous propose de passer à autre chose, toujours la Chine à deux visages.

Nous quittons ce matin la banlieue de Canton vers la campagne quelques 150 km à l’Est. Notre petite Citroën Elysée (ZX trois volumes fabriquée localement) de location se faufile dans un trafic dense dont un grand nombre de camions assurant la liaison entre la mégapole et le reste du pays. L’autoroute aérienne soutenue par d’énormes piliers de bétons longe la ligne de TGV également aérienne, dans de longue et belle trajectoires courbes et parallèles au dessus d’une alternance de zones industrielles et résidentielles. Ces milliers de blocs de bétons ajustés au millimètre sur des kilomètres ont quelque chose de pharaoniques, sorte d’aqueduc contemporain canalisant le flux de terriens motorisés.
Nous laissons l’autoroute pour nous engager sur une petite route de campagne également en béton zigzaguant entre les rizières. C’est la moisson. Dans les micros parcelles de petites machines récoltent les épis murs, les plus étroites étant moissonnées à la main à l’aide faucilles par des petites dames en habit traditionnel coiffées de chapeaux chinois ; images de carte postale postcoloniale auxquelles ne manquent plus que le noir et blanc et les bords jaunis.
De loin en loin les paysans ont étalé directement sur la route les grains de riz bruts, profitant du sol sec et lisse pour les faire sécher au soleil en les remuant régulièrement à l’aide de larges râteaux de bois. Ici une très vielle dame apparemment, tourne la manivelle d’une sorte de machine à baratter dans laquelle une jeune fille verse le grain séché tandis que l’autre coté sont expulsées les balles de riz volant aux quatre vents et qu’en dessous coulent régulièrement les grains blancs.
Un peu plus loin nous croisons une procession. En tête deux hommes portent le portrait d’une vieille dame installé sur une petite plate forme de bois dont les bras reposent sur leurs épaules. Au milieu du groupe on joue des percussions au son cuivré suivies d’un groupe de femmes toutes habillées à l’identique sous une large, longue et épaisse coiffe triangulaire de feutre blanc. Suivent enfin ceux que j’imagine être les proches de la défunte dans une ambiance visiblement bon enfant.
Nous traversons un village. C’est jour de marché. Petits commerçant et paysans vendent leurs articles installés pèle mêle sur la rue, accroupis devant les boutiques permanentes. On trouve de tout à l’image des marchés du monde : fruits et légumes, textiles, chaussures, quincaillerie et électronique de pacotille à trois sous qui n’en valent pas d’avantage. Ne pouvant passer en voiture nous attendons que l’on veuille bien nous faire de la place. Tout cela dans la bonne humeur.
La route devient "routin". Les images bucoliques de succèdent : bananiers appuyés à des maisonnettes de paysans-pêcheurs au bord de petits étangs où l’on élève traditionnellement des canards dont les fientes assurent la nourriture des poissons péchés deux fois l’an. Plus loin des buffles broutent en pataugeant dans la boue d’un fond de rizière encore humide ; puis des plantations d’Eucalyptus.

Au terme d’un je crois fructueux rendez-vous avec un gros éleveur de volailles, nous sommes ici pour ça, nous rentrons vers Canton. Tandis que Hu conduit la voiture, assis à l’arrière en compagnie de Shuchen nous parlons budget 2011 avant de sombrer doucement dans un demi-sommeil, bercés par le ronron régulier du moteur.
L’arrivée sur Canton est calamiteuse, coincés dans des bouchons de camions dégueulant leur épaisses fumées d’échappement à hauteur de nos fenêtres. Pas d’autre choix que de se faire asphyxier en souriant.
Rapide dîner léger puis je monte me détendre au fitness center de l’hôtel. Sur l’écran géant est retransmit en direct la cérémonie d’ouverture des « Asian Games ». C’est vrai, j’avais oublié.
Jeux Olympiques de Pékin 2008, expo universelle de Shanghaï et Asian Games de Canton cette année. Ne cherchez plus où est la puissance économique.
Spectacle magnifique réglé au millimètre. Image d’une Chine moderne, accueillante, tolérante, tournée vers l’avenir et soucieuse de l’environnement. Bien sûr ne soyons pas naïvement béats, mais l’intention est là et la démonstration éblouissante.
Et de me demander ce qu’à tout juste deux heures de voiture peuvent bien penser les paysans croisés aujourd’hui en regardant ces images. Même pays, même moment, autre époque.

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