jeudi 11 novembre 2010

Aux frontières du réel

L’histoire que je vais vous relater m’a été racontée hier soir.
Autant vous prévenir tout de suite, elle est assez horrible.
D’aucun diront que je me suis fait mystifier, « long nez » perdu dans une soirée arrosée parmi des chinois passablement éméchés.
Possible, mais je ne le crois pas. Le contexte n’était plus aux plaisanteries mais plutôt aux confidences de fin de soirée, lorsque les langues se délient sans plus de retenue.
Du point de vu du conteur que je suis il est aussi assez délicat de rapporter une telle histoire, au risque de jeter le discrédit sur les Chinois, ce qui n’est en aucun cas mon état d’esprit tant il serait ridiculement réducteur de conclure en généralité quelque chose très certainement complètement marginal. Ceci étant dit :

Nous en étions en fin de repas à parler nourriture en référence au dicton chinois disant que « tout ce qui sur terre marche, rampe ou nage peut se manger », encore attablés devant les restes d’un délicieux crapaud, terminant à cinq une grande bouteille de cognac dans les volutes bleutées de cigarettes brunes bon marché.
- As-tu déjà mangé du serpent me lance Monsieur Wang (nom d’emprunt pour les raisons que vous pouvez imaginer) ?
- Evidemment lui répondis-je, et d’ajouter crânement, mais ce n’est rien à coté des « trois cris ».
Pour les non initiés, il s’agit d’un plat composé de petites souries vivantes tout juste nées : premier cri lorsqu’on les saisit entre les baguettes ; second en les trempant dans la sauce ; troisième à la mise en bouche.
- Et du cerveau de singe vivant, t’en as mangé me relance mon interlocuteur ?
- On me la raconté en effet, mais non je ne pourrais pas.
Nous parlons ici de manger du cerveau de singe vivant dont le haut du crâne est coincé dans un trou au milieu de la table puis décalotté d’un coup de sabre…
Puis d’ajouter :
- Mais il a y encore « mieux ».
Ne parlant pas la langue, peut-être a-t-il pu aussi dire « pire ». Laissons-lui le bénéfice du doute si vous voulez bien.
- Que peut-il y avoir de pire ? ajoutais-je.
- Manger de l’humain.
- De l’humain ?!.
Stupéfait, j’imagine alors quelque chose autour de cadavres sur lesquels serait prélevé quelque organe aux vertus extraordinaires. Les Chinois sont en effet très friands de tout ce qui symboliquement est susceptible d’apporter longévité ou puissance. Si vous voyez ce que je veux dire…
- Ben oui, de l’humain insiste t-il avec une pointe d’ironie.
Interloqué et dubitatif j’attends la suite…
- De l’embryon humain précise t-il.
- Comment cela ?
- Et bien des embryons humains de trois à six mois. Il parait que c’est bon pour la longévité.
A cet instant une impression indicible de dégoût accompagnée d'une grimace horrifiée m'envahit presque jusqu'à la nausée.
Et Monsieur Wang d’ajouter :
- J’en ai mangé une fois… sans le savoir. On ne me l’a dit qu’après !
Je me repasse aussitôt mentalement les plats du dîner. Comprenant mon inquiétude il précise fort "gentiment" qu’il n’y en avait pas au menu de ce soir. Et de me proposer un toast pour digérer l’information. Allez, cul sec !

Me remettant toute juste de mes émotions je ne peux m’empêcher de lui poser la question du prix :
- Entre 6000 et 20 000 yuans (600 à 2000 €) le plat ; évidemment suivant l’âge de l’embryon précise t-il.
Tu parles. Et pour me rassurer de répondre du tac au tac :
- Mais c’est interdit !
- Balle de touche répond t-il (L’équivalent en Français de notre expression « Jocker »).
Suis-je bête ? Comment en effet pourrait-il y avoir d’interdit contre l’inimaginable ?

Aucun commentaire: