mercredi 3 novembre 2010

Parfum de Perestroïka

Se rendre en Belarusse pour vendre des poules - oui, oui des poules, vous savez celles qui font des œufs que les gens mangent de mille et une façons - a pour moi de prime abord quelque chose de presque « exotique ». Rendez-vous compte, aller dans le seul pays européen officiellement non démocratique, sorte de dinosaure géopolitique, fragment restant de l’ex-URSS. Plutôt alléchant si l’on fait fit des conséquences pour ceux qui y vivent. Cela dit, sans non plus de scrupule pour ce qui me concerne, partant du principe que les échanges commerciaux restent l’un des plus sûrs moyens d’ouverture au monde. D’aucun diront que je me donne bonne conscience. Et bien qu’ils y viennent et ils verront que cela a du sens, surtout lorsqu’il s’agit de satisfaire des besoins primaires (alimentaires) développés localement.

Une heure et demie après son décollage d’Amsterdam, l’avion de la compagnie nationale « Belavia » roule sur les taxiways vers l'aérogare de Minsk. Sur la droite de l’appareil des dizaines de vieux avions Russes pourrissent sur les parkings, cimetière d’Antonov, Tupolev et autres Iliouchine témoins d’une époque encore récente où les échangent battaient leur plein au sein de l’empire Soviétique. Ici l’on fabriquait surtout des tracteurs, des armes et du chocolat, tel que décidé par le plan.
L’aéroport à l’architecture dans le plus pur style poststalinien est quasi-vide, tout comme d’ailleurs notre avion qui ne compte pas plus d’une trentaine de passagers. Il faut bien reconnaître que la destination n’a à priori rien de très alléchante, sauf à avoir une réelle bonne raison d’y aller, comme vendre de poules…
Irina jolie blonde filiforme de 25 ans aux yeux clairs illuminant un visage rond et souriant sous des cheveux un peu filasses, et Tatania sexagénaire un peu courbée, stéréotype de la femme Russe d’âge mure, nous accueillent tout sourire. Elles sont nos agents pour la Russie et ses satellites et vont notamment assurer ici les traductions dans un pays où l’anglais n’est que très peu pratiqué.
Rapide dépose des bagages à l’hôtel « Planeta », bâtiment sans intérêt mais tenu de façon impeccable au bord d’une grande avenue toute aussi bien tenue. Je me dis que c’est calculé pour impressionner les rares visiteurs étrangers. Mauvais à priori ayant pu constater le lendemain matin lors mon jogging quotidien dans les ruelles du centre ville, puis au cours de notre déplacement en campagne, combien le pays est soigné et mon jugement « primaire » mal à propos.

Dîner avec Evgeny et son équipe dans un restaurant à la mode du centre ville. Décors clinquant dans un style baroque moderne du plus mauvais goût où des écrans plasma miment des feux de cheminée. Moche mais nickel. Cuisine simple et de qualité arrosée d’excellents vins Bulgares. Nous écoutons Evgeny, petit homme sympathique, quadra dynamique au visage ressemblant curieusement à Nicolas Ceaucescu jeune avec ses lunettes à fine monture métallique très années 70, nous compter son épopée industrielle. En quelques années, avec force détermination et esprit pratique, il a su hisser son entreprise au premier rang de la production de volailles de ce petits pays. Ne comprenant un traitre mot de Russe, je l’observe attentivement discuter avec nos agents. L’homme a sans conteste du charisme et ses yeux souriants donnent confiance. Irina qui le connait depuis des années m’en dit aussi le plus grand bien. Nous verrons…

Après une heure de route en direction de la rivière Bérézina, celle la même où Napoléon connu la sienne, la voiture nous dépose à la porte d’un complexe de production d’œufs de consommation. Bâtiment hors d’âge et personnel comme fossilisé dans une torpeur de l’époque soviétique. Seule une femme, Valentina, semble sortir du lot. Nous parlons rapidement affaires dans un bureau glacé puis l’on nous emmène en voiture à quelques km de là devant ce qui ressemble à un camps militaire Russe en opération… en fait un musée dédié à leur « ligne Maginot » construite entre les deux guerres pour se protéger des risques d’invasions venant de l’Ouest, à une époque où l’Allemagne menaçait l’Europe de toute part. On y trouve ainsi tout un arsenal de l’armée rouge jusqu’à la période de guerre en Afghanistan : tanks, canons, jets, hélicoptères, missiles, systèmes de télécommunication... Impressionnant et quelque peu surréaliste de se promener par une belle journée ensoleillée entre des machines de guerre dont on nous expliquait il n’y pas si longtemps qu’elles représentaient la plus grande menace pour « le monde libre ».
Un peu ébahit je croise le regard souriant de Valentina visiblement assez fière de son coup. S’adressant à Irina elle ajoute comme si de rien n’était :
- Les temps changent. Malgré quelques soubresauts de l’histoire le mouvement est inévitable.
Sûr, nous allons travailler ensemble.

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