Traverser les Hautes Alpes à moto, par
les grands cols, est un voyage extraordinaire cumulant bien des
superlatifs tant les images des paysages que l’on traverse projettent sous
nos yeux écarquillés des instantanés d’une rare puissance. Celle d’une nature
en furie, comme figée dans sa brutalité en d’exceptionnels tableaux d’une force
esthétique qu’aucun artiste n’aurait pu imaginer. On en reste coi, impressionné
par tant de beauté minérale et végétale que les hommes ont su sanctuariser dans
de grands parcs naturels tels des (les) écrins.
Cela commence par le col de Lautaret
qui nous amène naturellement, par d’étroits lacets, vers le Galibier, 2700
mètres d’altitudes, à quelques encablures de glaciers survivant ici encore au réchauffement
climatique. Effet garanti sur ma passagère que je sens se crisper lorsque le
côté droit de la chaussée donne sur d’impressionnants précipices. J’ai beau lui
dire de se détendre et de profiter du paysage, elle n’a d’yeux que pour la
trajectoire de la moto sur la mauvaise bande d’asphalte, tandis que nous
dépassons de vaillants cyclistes à l’assaut de ce col hors catégorie.
La descente est tout aussi
impressionnante, plongeon vers de verdoyantes vallées au creux desquelles
coulent de jolis torrents aux couleurs de pierres précieuses.
Puis l’on remonte à travers les sombres
et fraîches forêts de conifères pour retrouver les alpages fleuris aux couleurs
pastelles et passer le Mont-Cenis sous quelques bourrasques glaciales. Redescente
tranquille pour rejoindre la tiédeur de la vallée ensoleillée, remontée vers le
Liseran, puis, après quelques kilomètres au creux de la Maurienne industrielle,
passage du Petit-Saint Bernard pour se laisser couler en Italie vers la vallée
d’Aoste sous un ciel électrique.
En direction des Grands Lacs, nous
bifurquons vers le nord dans le cul de sac conduisant au pied du légendaire
mont Cervin, l’un des grands sommets des Alpes culminant à plus de 4400 m à
cheval entre l’Italie et la Suisse. Difficile de décrire mon attirance pour
cette montagne théâtre de tant d’épopées Alpines. Sans doute le fait que des
hommes s’y sont dépassés dans d’épiques ascensions, comme sur l’Eiger ou plus
tôt le Mont-Blanc. Toujours est-il que le fait de s’y rendre provoque une
émotion, comme si l’esprit de ces « conquérants de l’impossible »
était toujours présent, sorte d’expérience spirituelle dans un lieu d’exception.
Nous arrivons au pied de l’imposante
pyramide rocheuse sous les orages, et je ne peux enlever de ma pensée les récits
dramatiques de ces alpinistes parfois bloqués dans de telles conditions sur la
vertigineuse paroi rocheuse, ou du retour héroïque de Jean-Antoine Carrel
décédé au pied de cette montagne qu’il avait vaincu le premier, alors qu’il
ramenait des clients dans des conditions météo épouvantables au terme de sa 52ème
ascension.
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