De Yadz nous nous rendons à Chamen, petit
village n’abritant plus que quelques âmes. Et même si le gaz de ville a bien
été amené jusque-là, habiter une maison traditionnelle en pisé n’est plus du
goût de la jeune génération aspirant à la modernité urbaine. Pourtant, quel
charme à nos yeux d’Européens nantis. Maisons en terre crue de chaque côté d’une
ruelle étroite, avec en perspective les montages aux sommets enneigés sous un
ciel indigo. Encore faut-il y vivre tous les jours. Et la plupart des habitants
ayant quittés les lieux, un grand nombre de maisons abandonnées fondent
littéralement comme des châteaux de sable, retournant à la terre, celle-là même
à partir de laquelle elles furent construites.
Traversant le village à pieds, nous ne
croisons que quelques petits vieux s’accrochant encore à leur pas de porte. De toute façon, où pourraient-il bien aller maintenant ?
A l’autre bout du hameau, en
perspective, à quelques kilomètres, une colline surmontée d’une large tour,
comme une couronne posée sur un crâne. Ali nous propose de nous y rendre à pied,
ce que nous acceptons avec grand plaisir, au grand air frais sous un ciel
radieux. Tout en approchant nous bavardons sans réel fil conducteur, profitant
de ce temps privilégié en famille aux antipodes de nos repères habituels.
Approchant de la colline, à sa base quelques
constructions se meurent. De quoi peut-il bien s’agir ?
Ali explique qu’il s’agissait d’un lieu
de résidence éphémère réservé aux familles venant ici pour les funérailles de
leurs défunts. Piquant notre curiosité, nous le questionnons sur les conditions
des dites funérailles.
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Vous
voyez la tour massive au sommet de la colline derrière vous ? Et bien c’est
ici que cela se passait ? Mais depuis les années 50, ce n’est plus
possible.
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Et
pourquoi ?
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Par
ce que le rite funéraire traditionnel des Zorastriens a été interdit par les
autorités pour raisons sanitaires.
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Et
bien vous devez savoir que le rite en question consistait à exposer les morts
aux vautours, qui se chargeaient de dépecer les corps dont on ne récupérait que
les os qui étaient jetés dans une fosse commune au milieu de la Tour du Silence
que vous avez devant vous.
Dubitatif, les yeux rivés sur la tour, impossible de ne pas faire le parallèle avec les « Funérailles Célestes » toujours pratiquées au Tibet et que nous avions « découvertes » lors de
notre voyage là-bas. (Voir chronique sous ce titre datée d’aout 2010). Et se dire que décidément des hommes d’origines et cultures si différentes
étaient arrivés à une conclusion similaire de leur passage vers l’au-delà.
Plus qu’une étrange et magnifique coïncidence : s'élever littéralement plutôt que croupir en terre.
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Vous
pouvez monter voir si vous voulez, ajoute Ali.
Sans se faire prier nous gravissons
rapidement la colline, puis le mur d’enceinte de la tour pour nous retrouver
sur une vaste plateforme ronde dominant le grandiose paysage alentour. Au sol
des grandes pierres plates. Tout autour un muret à mi-hauteur. Au milieu la
fosse commune des ossements également circulaire.
Et nous sommes là, silencieux, émus par
ce lieu et ce moment uniques qui à eux seuls méritent le voyage.
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