Le ciel de Shiraz nous transporte déjà.
Il est de ce bleu cristallin des hauts plateaux que l’on retrouve à Marrakech
ou à Lassa, encore épargné par la pollution industrielle et protégé par les
reliefs environnants des influences maritimes et des poussières du désert. Il
irradie sur la ville une lumière à peu d’autre pareille, accentuant les contrastes
sur les constructions traditionnelles en terre cuite cannibalisées par un
développement urbain un peu anarchique ; le lot des villes des pays émergents où, comme les mouches attirées par le miel, la population vient s’agglutiner,
transformant parfois certains quartiers en d’insalubres cloaques où prospère la
misère.
Nous déambulons dans le Bazar, ruelles
étroites et ombragées où vaquent toutes ces femmes voilées habillées de noir et ces hommes aux costumes élimés, bric à brac de centaines de boutiques
regroupées pas spécialités. Et cette impression de promiscuité, comme dans tous
les souks du monde où l’on vend presque la même chose.
Très peu d'étrangers. La plupart des
clients sont d’ici, ainsi que des nomades Kadjar venus en ville faire les
courses après avoir vendu au marché les produits de leur agriculture pastorale.
Le hasard
de notre déambulation nous emmène jusqu’à une vaste cour ouverte, un ancien caravansérail.
Au milieu de cet espace carré, un réservoir d'eau couvert d'une voute de
pierres enduite de terre où pousse les herbes folles. Tout autour une coursive
avec des boutiques destinées aux voyageurs de passage, selliers, quincaillers, "maroquiniers".
Dans un
coin un empilement de malles hors d'âge faites de bois et de cuir. Fascinantes
boites à rêves qui meurent ici, échouées au terme de voyages extraordinaires
les rendant à mes yeux encore plus désirables.
Devant les
boutiques, des petites cages à oiseau suspendues dans lesquelles s’égosillent
des rossignols. Au-dessus, les chambres abandonnées qui étaient mises à
disposition des caravaniers de passage dont les montures se reposaient dans la
cour. Une assez petite porte voutée permettait l'accès à ce lieu magique, désormais
d'un autre temps. Et je ne peux m’empêcher de penser que nous ne sommes peut-être
pas nés à la bonne époque...
Nous
poursuivons nos pérégrinations dans le bazar. Quelques brocanteurs proposent de
véritables antiquités ayant encore échappées au « pillage »
touristique : longues vues d’explorateurs sur 19ème, compas de
marine, sextants, montres à gousset en argent. Comme si pour eux le temps s’étaient
arrêté il y a plus d’un siècle.
Au détour d’une
ruelle sombre, apparait sur fond de ciel indigo un dôme étincelant recouvert de
mosaïques bleues et vertes magnifiées par la lumière de fin d’après-midi, vue
saisissante pour un occidental, comme l’image d’Epinal de cet Orient fascinant
et mystérieux.
Nous
entrons dans la mosquée par une épaisse porte de bois cloutée polie par le
temps. La cour intérieure est une merveille d’architecture Persane, mélange
indéfinissable du luxe des ornements émaillés et de la pureté de lignes simples
et élancées, droites ou en ogives. Deux salles de prière, de part et d’autre d’un
long bassin faisant office de miroir, selon l’orientation du soleil, aux deux
minarets côté occidental ou au dôme émaillé côté Oriental. Tout n’est ici que
calme et beauté propice à la méditation. Après avoir enlevé nos chaussures nous
entrons dans la salle de prière d’hivers délicieusement tiède. Au sol de
chatoyants tapis de laine prennent la lumière du soleil au travers des vitraux
multicolores leur donnant un aspect de kaléidoscope céleste. Quelques âmes prient
ici en silence.
...
Nous retrouvons
la rue au soleil couchant.
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