mardi 16 février 2016

Persépolis

Nous quittons Shiraz par la grande porte de l’Islam, celle-là même que les visiteurs devaient emprunter pour y entrer et sortir jusqu’au début du siècle dernier. Et l’on comprend pourquoi, même si aujourd’hui le développement urbain un peu anarchique en a tué toute la perspective. Dominant la ville elle est construite entre deux falaises, offrant une vision assez saisissante sur la cité en contre bas, avec ses constructions dominées par les dômes émaillés des mosquées tels des bijoux dans leur écrin. Aux temps anciens il fallait encore marcher des kilomètres avant de rejoindre la cité sur l'autre rive de la rivière, laissant tout le temps au visiteur d’imaginer ses merveilles.

Après une soixantaine de kilomètres vers le Nord à travers une large plaine agricole à l’horizon barré de reliefs montagneux, nous rejoignons Persépolis, cité mythique, haut lieu de la civilisation Persane et bien au-delà.
On aborde le site par une petite route longeant une solide barrière montagneuse au Nord-Est, tandis qu’une vaste vallée s’étale vers le Sud-Ouest. En perspective se dressent quelques colonnes. A première vue rien de très spectaculaire. Mais en approchant les choses se précisent. 
Presque personne sur le site, comme s’il nous était réservé pour une visite privée.
Devant nous, au pied des montagnes une large terrasse surélevée domine la vallée.  On y accède par deux imposants escaliers. Et là-haut c’est le choc devant la porte monumentale d’accès aux palais flanqués de ces célèbres taureaux à tête humaine. En passant sous l'impressionnant porche, on remarque des graffitis laissés par des visiteurs, mais pas n’importe lesquels : signatures d’expéditions du début du 19ème, à une époque où arriver jusque-là relevait de l’exploit pour les Européens.
De majestueuses allées permettent de rejoindre les différentes constructions de la capitale impériale Achéménide érigée il a près de 2500 ans par Darius et sa dynastie.
Certes il faut un peu d’imagination pour visualiser les bâtiments aujourd’hui disparus, telle que la salle des 100 colonnes haute de plus de plus de 20 mètres. Mais là n’est sans doute pas le plus intéressant. A la chute de Darius III, la cité fut incendiée par Alexandre Le Grand, puis abandonnée. Et le temps fit son œuvre, la recouvrant progressivement d’une épaisse couche de sable, comme si elle avait coulé et que seule la mature du navire en était restée visible pour des générations. Et ce n’est qu’au siècle dernier que furent entreprises des fouilles sérieuses révélant des centaines de bas-reliefs sculptés dans la pierre, parfaitement conservés, relatant l’épopée Achéménide dans de longues frises à lire comme des bandes dessinées. Les détails sont saisissants de réalisme. On y voit évidemment les vêtements et accessoires des centaines de personnages qu’il est même possible de reconnaitre par origine ethniques, histoire de bien montrer au visiteur le rayonnement universel de l’empire à cette époque. Egalement gravé dans la pierre de manière très fine, de courts textes cunéiformes commentent, s’il en était encore besoin, les illustrations. A tel point que se promener dans Persépolis devient un jeu de piste à la recherche d’indices très concrets de la vie des hommes quelques 400 ans avant JC. 
Et, comme une banalité, de se demander pourquoi cette civilisation a pu s’effondrer, comme bien d'autres qui ont forgé l’Histoire des Hommes, notre histoire, celle qui attise notre curiosité de voyageurs curieux, enthousiastes, avides de comprendre et partager ce qui nous relie à l'Humanité.



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