Prochaine
sortie "Le Mans Sud" indique le panneau au bord de l'autoroute. Puis
un autre "circuit des 24h". C'est drôle comme alors mon cœur se met à
battre plus fort. Nous passons le péage et suivons la direction d'Arnage,
lieux dit devenu un des virages emblématique du célèbre circuit. Au rond-point déboulent
une Porsche 911 verte suivie d'une Lamborghini Diablo jaune et d'une Ferrari
F355 rouge affublées de larges stickers "Le Mans driving experience".
Au rétrogradage le bruit roque des échappements distillent des gorgorythmes
plein de promesses. Un petit tour de manège pour le fun, puis elles s'engagent
sur une départementale, filant dans une irrésistible symphonie mécanique à
faire se dresser les poils des plus frigides.
La zone du
circuit est encombrée de milliers de voitures dont une proportion importantes
de sportives venues de l'Europe entière. Et si tant est que l’Angleterre soit
bien en Europe :),
le pays est représenté de la meilleure manière qui soit par des autos
classiques rutilantes, malgré les centaines de kilomètres parcourus pour venir
jusqu'ici. Car venir au Mans n’est, pour ces passionnés, rien moins qu’un pèlerinage
où il ne peut être question de médiocrité.
On accède à la zone du circuit par un modeste guichet devant l'entrée du musée automobile. Et déjà l'ambiance de la course vous excite comme un préliminaire, vrombissement des bolides au freinage de la chicane Ford juste avant le spectaculaire virage Dunlop.
Pénétrer
dans l'enceinte a quelque chose de mystique, comme entrer dans un temple entièrement
dédiée à l'automobile. Au premier abord le plus étonnant est le public : de
tous âges et toutes origines.
On vient
ici de partout, en famille, avec enfants et même poussettes, s'adonner au
plaisir étrange de regarder passer des voitures de course. Mais s'agit-il bien uniquement de cela ? Trop simple et finalement d'un intérêt somme toute limité.
Ne nous mentons pas. Pour nous les "mâles" il a quelque chose du
fantasme absolu que d’imaginer dominer une machine de plus de 800 cv, entrer dans
une autre dimension où se mêlent puissance et sensations à nulles autres
pareilles : piloter une auto de course, comme dompter une bête sauvage.
Les femmes
ne sont pas en reste non plus ; et d'ailleurs pourquoi échapperaient elles
aussi au stéréotype de leur fantasme du pilote, chevalier des temps modernes exhalant
tous les attributs de la virilité, trompe la mort magnifiés dans leur
combinaison ignifugée et heaume multicolore ne laissant apparaitre que le
regard comme miroir d'une âme héroïque.
Tous ces
couples marchant le long du circuit en se tenant la main seraient hypnotisés
par les vrombissements incessants des bolides frôlant les glissières de sécurité
à seulement quelques mètres, rêvant peut-être, mais sans se le dire :
Et si c'était
moi ?
Et si c'était
lui ?
Quant aux
enfants, ils subissent cette épreuve initiatique sur un tout autre registre,
celui de la grande fête foraine où, perdus dans leurs rêves, les parents cèdent
sans même réfléchir aux marchands du temple vendant gadgets et confiseries hors
de prix.
Et les
voitures passent et repassent à des allures supersoniques.
Les LMP1 (catégorie
reine où s'affrontent les grands constructeurs) survolent la course presque
sans bruit avec leur propulsion hybride, petits moteurs thermiques turbocompressés,
bodybuildés à l'électrique pour développer près de 1000 CV ! Plus que les accélérations
d'une formidable fluidité, les freinages ont quelque chose d'irréel par leur
brutalité.
Mais
j'avoue avoir un faible pour les GT, « vraies voitures » dérivées de super
sportives du commerce pour gentlemen drivers fortunés. En fait celles là même
sur lesquelles je développe mon propre fantasme...
La nuit
tombe et le public reste aussi nombreux autour du circuit.
Au vacarme
s'ajoute les faisceaux lumineux des phares à xénon ou à la led comme les rayons
lasers émis par des engins d'un autre monde. Les voitures ne sont plus alors
que particules de lumière et de feu : éblouissement des phares blancs ou
jaunes, fluorescence des numéros de courses, incandescence des disques aux
freinages, feu d'artifice des échappements au rétrogradage.
Minuit. A
la sortie des stands un grand totem façon arbre de Noël indique en direct le
classement des voitures. Porsche et Audi trustent les positions de tête.
Encore 15
heures de course.
Et les Allemands
qui gagnent toujours à la fin.
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