samedi 24 septembre 2022

Les Djinns du grand Chott

Seuls les voyageurs osant traverser les déserts peuvent en apercevoir les vrais mystères. Ceux-là mêmes qui, colportés par les chanceux qui se les sont entendus raconter de source sûre – comme vous après la lecture de cette chronique – deviennent d’extraordinaires légendes dont la fascination attire ou rebute selon que l’on soit du genre qui tente la traversée de ces immensités désertiques, ou bien qui préfèrent les contourner.

Car en effet, il y a toujours le choix. Rester sur le bitume et regarder dans la direction de l’inconnue en se demandant ce qui s’y passe, ou prendre les pistes qui s’y enfoncent.
Vous l’avez compris, nous sommes de la seconde catégorie et allons vous raconter cette aventure immersive. Celle des très grands espaces aux perspectives vertigineuses, de natures "hostiles" et préservées, où se passent parfois d’étranges phénomènes...
 
Le Chott El Jerid va une nouvelle fois nous émerveiller. 
 
Tous pleins faits nous quittons la route menant vers la frontière Algérienne pour piquer plein sud à travers le grand lac asséché. Plus exactement une navigation cap au Sud, puis Sud-Sud-Est, puis plein Est sur 120 kms environs sans croiser âme qui vive.
Les premiers tours de roue donnent le frisson, cette impression de pénétrer dans une terre inconnue avec le secret espoir que tout se passera bien, pleinement conscients que cela ne se fait pas à la légère.
Il fait déjà chaud en ce milieu de matinée, sensation renforcée par l’aridité du paysage. Nous laissons derrière nous une oasis enchanteresse pour pénétrer dans un milieu magnifiquement inhospitalier. Brut, minéral, sauvage, où l’eau, la terre et le feu jouent de magistraux extrêmes.
Par moment, où que le regard porte, le fond du lac asséché est d’une parfaite platitude brune pailletée de cristaux salés. D’un bleu parfait, le ciel sans nuage diffuse sans filtre la lumière crue de l’astre du jour. Au fil des heures la température augmente et se développe alors de spectaculaires mirages où l’on voit se dessiner de vastes lacs autour desquels semblent s’épanouir de beaux arbres. Puis tout cela s’évanouit avant que nous en ayons pu s’en approcher.
Ne pas se laisser distraire, rester concentrés sur le pilotage de nos machines tout en profitant des paysages...
Plus loin, quelques passages de hamada piquetés d’herbe à chameau à l’origine des illusions d’optiques.
Puis, poussées sur la piste par les vents de sable, des dunettes éparses que nous franchissons avec délectation.
Et de nouveau le fond du Chott au-dessus duquel commencent à bourgeonner quelques petits nuages.
Soudain apparaît au loin comme une colonne de fumée semblant converger vers notre direction. Nous stoppons les machines pour observer le phénomène : une impressionnante sorcière de désert, tornade aspirant sa trombe de sable, se déplace tel un Djinn connectant terre et ciel dans une improbable danse. Serait-elle à notre intention ? Nous la suivons des yeux jusqu’à perte de vue avant de redémarrer.

Encore sous le charme, presque au km près nous retrouvons la route de l’autre côté du Chott. Fin de cette parenthèse qui a tenu toutes ses promesses. Direction Douz.
 
 

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