jeudi 22 septembre 2022

Immuable

 
Une soudaine bourrasque soulève dans la ville un nuage de particules claires, désagréable mélange de sable du désert et de poussières urbaines. En quelques minutes les terrasses de cafés se vident, tables et chaises sont mises à l’abri tandis que l’on ferme les portes pour se protéger de la tempête. Les yeux plissés nous rentrons à notre hôtel heureusement à quelques pas.
Située à la lisière du Sahara Tunisien, non loin de la frontière Algérienne, Gafsa nous accueille pour une nuit.
 
Les presque 300 kms depuis Siliana nous ont remis dans l’ambiance si particulière du Maghreb profond. Celui des campagnes et des villages comme immuables. Déjà presque 4 décennies que nous y voyageons régulièrement, et c’est comme si rien n’avait réellement changé. Partout des hommes désœuvrés aux terrasses de cafés crasseux le long des routes principales où circulent des véhicules hors d’âge. Et les femmes discrètes qui tiennent la baraque et que l’on voit peu.
Bien sûr le Printemps Arabe est passé par là. Cela force le respect mais pour quel résultat ?
 
Nous passons sur nos machines de course tels des extra-terrestres. Que peuvent-ils bien en penser maintenant qu’ils voient aussi le monde à travers l’écran de leurs smartphones connectés sur les réseaux sociaux ? A l’évidence ce déséquilibre ne sera pas soutenable bien longtemps.
 
La route qui n’en est plus vraiment une aboutit à un croisement au milieu de quelques maisons où nous arrêtons faire le point. Impassibles, assis par terre en rang d’oignons à l’ombre d’un mur en pisé, des petits vieux en djellabas observent la scène. Tels des papillons attirés par la lumière, quelques enfants se précipitent tandis que des jeunes adultes lancent des invectives depuis un petit braséro chauffant une bouilloire en fer blanc. Derrière nos casques et lunettes de soleil, on échange difficilement quelques mots – la langue française à quasiment disparu – puis 2 adolescents nous escortent à mobylette jusqu’à la bonne piste vers le Sud.
 
Le paysage prend progressivement les chaudes teintes dorées des zones pré-désertiques. Des bosquets clairsemés résistent encore. Ici et là de rares tentatives de plantations d’oliviers essaient de trouver leur place dans cet environnement aride. Dans les fonds d’oued asséchés, d’étonnants lauriers roses en fleurs apportent une touche de poésie au paysage.
Il fait bon rouler en ce milieu d’après-midi, portés par cet irrésistible appel du désert, espace de nature brute et de liberté à nul autre pareil, sauf peut-être la mer.
 
Nous rejoignons Gafsa. Arrêt au troquet du coin prendre un thé rouge, simplement profiter du moment et regarder passer les gens tout en leur volant quelques portraits. Le patron nous escroque sur le prix du service que nous lui payons en plaisantant sans vraiment négocier. Presque gêné il nous assure de son bon accueil pour la vie...
Au moment de partir un jeune homme nous alpague en Anglais :
-       - Quel âge avez-vous ?
-       - 58 et 60.
Il fait répéter. Impossible de comprendre les commentaires à ses copains.
A ce moment  nous réalisons la singularité générationnelle de notre road-trip sportif et la chance de pouvoir encore le faire.
 
(Désolé, une seule photo faute de réseau.)
 
 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'adore ce texte qui décrit si bien ce monde qui ne change pas son mode vie mais qui « apprécie » les touristes avec opportunité non dissimulée