Forêt de Brocéliande, de nos
jours :
C’est le début de l’automne et les
arbres prennent leurs teintes chatoyantes de saison. Nous marchons sur un tapis
de feuilles à fois moelleux et croustillant, exhalant des flaveurs de
champignons, tandis qu’entre les branches des chênes centenaires les rayons de
soleil dessinent des stries où flottent des milliers de particules étincelantes.
Quelques gros rochers moussus bordent le sentier surplombant un ruisseau aux
intonations cristallines. Etrange endroit ce « Val sans retour », à
la fois charmant et mystérieux, invitation à la contemplation d’une nature
encore sauvage, et pourtant si bien agencée. Comme si chaque élément avait
trouvé une place évidente pour former un tableau parfait.
Au moment où nous rejoignons un groupe
de marcheurs devant nous, sur notre gauche, assis en tailleur ou sur les
talons, un groupe de personnes figées et silencieuses, yeux fermés ou regards
dans le vague, comme touchées par la grâce. Sans rien dire je ne peux m’empêcher
d’esquisser un sourire entendu à mes compagnons de promenade, et nous
continuons en silence notre progression encore étonnées par cette étrange
rencontre… Quelques centaines de mètres plus loin, nous dépassons deux couples de promeneurs. Alors que nous
plaisantons gentiment sur la scène de méditation bucolique, très sérieusement
l’un des hommes du petit groupe nous prend à parti fort aimablement, mais aussi
très sérieusement, en affirmant tout que go : « c’est efficace vous
savez ! ». Je lui demande ce
qu’il veut dire.
- Et
bien s’imprégner de l’esprit de la forêt, prendre la force des arbres.
- La
force des arbres ? Mais comment ça ?
- Tous
simplement en choisissant un beau spécimen à enlacer des deux bras !
J’avoue ne pas y avoir pensé avant et, allez
savoir pourquoi, l’image d’Obélix arrachant les arbres de la
forêt des Carnutes me traverse l’esprit.
A mon regard il a dû comprendre que
j’avais du mal à suivre.
Là-dessus, mon ami Jacques surenchérit
le plus sérieusement du monde :
- Moi
j’ai une collègue de boulot, qui à défaut d’arbre immédiatement disponible, le
fait régulièrement sur les poutres en bois quand il a un p’tit coup de mous.
- Tu blagues ?
-
Non
je t’assure. Il fait ça aussi avec les plaques de contreplaqué en s’affalent
dessus...
Jacques travaille dans le bâtiment, et
comme il s’y connait je n’insiste pas.
Nous embrassons donc chacun notre
arbre, et plein de force et d’énergie poursuivons gentiment notre marche,
stimulés par cette rencontre inattendue, sur les traces de Merlin et de la Fée
Viviane qui, parait-il, auraient fréquenté ces lieux enchanteurs.
Un peu plus loin, dans les sous-bois deux
femmes très concentrées, armées de petites faucilles ramassent des herbes
dans de grandes besaces en tissus.
Là-dessus, Flo, qui n’est pas encore une fée,
quoi qu’elle sache faire des petits miracles en cuisine, et je ne vous parle
pas de potion magique, mais, entre autres, des meilleures courgettes farcies du
monde, nous embarque sur la poudre de perlimpinpin vendue sur internet à prix
d’or par un prêtre, exorciste, sorcier, récemment installé avec sa conjointe,
une voyante, dans notre village. Ne riez pas, c’est authentique.
Poursuivant notre découverte de ces
lieux propices à la pensée…, nous arrivons à « l’arbre d’or », en
fait une arbre mort tout doré, comme un totem au milieu d’un champ de pierres
acérées et dressées pour faire obstacle à ceux qui voudraient s’en approcher de
trop près. Il faut bien reconnaître que la scène est quelque peu
impressionnante : une sorte de veau d’or façon végétarien. Des curieux, ou
adeptes, contemplent l’œuvre. Une dame nous raconte qu’il a quelques mois
l’arbre a été retrouvé dans son plus simple appareil : quelqu’un en avait gratté
toute la dorure. Et d’ajouter : il aurait mieux fait d'acheter une bombe
aérosol dorée chez Leroy-Merlin !
Nous repartons. Un peu plus loin un homme aux allures de druide psalmodie je ne sais quoi dans sa longue
barbe blanche à deux queues... Même pas peur.
Cet endroit n’est décidément pas
ordinaire.
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