Deux heures
que nous sommes bloqués dans le trafic et rien ne se passe. Toutes les artères
alentour sont congestionnées. Nous sommes vendredi soir et c'est comme si tous
les véhicules de la ville de Chengdu s'étaient données rendez-vous pour une
grande parade. Ni tenant plus, mon chauffeur quitte précipitamment la voiture
les mains sur la braguette pour uriner contre la barrière centrale. Je tiens
encore mais vois l'heure passer et la perspective de prendre mon vol s'éloigner.
Merde, pas envie de rester ici collé pour le week-end.
J'appelle
Delphine mon assistante pour anticiper le plan B. Il y aurait des options de vol un peu
plus tard via Bombay ou Abu Dhabi sur lesquels elle me bloque un siège.
Sur mon
smartphone Google Maps m'indique un itinéraire alternatif jusqu'à l'aéroport.
Je prends les choses en main et fait signe au chauffeur de sortir du périphérique.
Il ne comprend pas bien mais obtempère devant mon insistance. Nous entrons dans
ville. La situation n'est guère meilleure, cloaque automobile où chacun tente
de forcer d'impossibles barrages générant de nombreux accrochages ajoutant
encore à la confusion.
...
...
Mon vol est
déjà parti et il reste encore plus de 10 km jusqu'à l'aéroport. Cette fois
c'est moi qui n'y tiens plus et sorts me soulager sur un parterre au coin de la
rue.
Aéroport en
vue.
Je rentre
en courant quand une hôtesse, allez savoir pourquoi, me demande si je parts
sur Abu Dhabi... Je confirme, bien que le décollage ne soit plus que dans 30 minutes.
Le comptoir
d'enregistrement est en train de fermer lorsque je présente mon passeport. Derrière son écran, la jeune femme ne me voit pas dans le système, et pour cause, je n'y suis pas encore. A
l'autre bout du fil, mon assistante tente de débloquer un siège avec l'agence
de voyage de Nantes.
- We close de fight Sir. Sorry.
- We close de fight Sir. Sorry.
- Hold on
please.
Je lui
passe Delphine elle-même au téléphone avec sa correspondante de l'agence de
voyage, pour tenter de "forcer le passage". Elle obtient finalement un
numéro de dossier. Aussitôt le jeune femme de l'enregistrement me libère un siège en précisant que j'aurai bien une
correspondance à Abu Dhabi vers Paris, mais qu'il me faudra prendre le billet
sur place. Plus que 20 minutes avant le décollage. Pas le temps d'épiloguer. Je
cours vers la douane, puis la sécurité, pour enfin rejoindre la porte
d'embarquement en nage. Surprise, l’écran annonce que le vol est décalé d’une
heure. Or ma correspondance vers Paris n'est que de 1h30... Quand ça ne veut
pas... Tant pis, on verra bien sur place.
...
L'Airbus
A330 Ethiad est impeccable et vide ! On comprend que la compagnie est encore en
phase d'investissement pour le développement de son réseau mondial depuis le
hub d'Abu Dhabi.
L'accueil
de l'équipage est exceptionnel. Ici on soigne le client.
Re-laxe, sans
aucun contrôle sur la situation, je n’ai pour les prochaines heures qu’à
profiter de ce vol parmi les étoiles.
Contournant
le massif Himalayen par le sud, après quelques turbulences nous atteignons
notre altitude de croisière. A travers le hublot irisé de quelques cristaux
glacés, la demi-lune monte sur l’horizon en éclairant la couche nuageuse d'une lumière évanescente. Bercé par ronronnement des moteurs, je me laisse aller dans
une agréable torpeur, repensant aux rencontres de ces derniers jours, avant de
faire le vide pour ne devenir plus qu’un assemblage de molécules organiques,
volant au-dessus d’une petite planète, tournant autour d’une étoile à la
périphérie d’une galaxie, parmi les milliards composant notre univers. Je ne
suis plus rien.
…
7h plus
tard atterrissage à Abu Dhabi. Pas une seconde à perdre, je n’ai que 35 minutes
pour prendre mon billet vers Paris et rejoindre la porte d’embarquement. Je
cours vers le comptoir de transfert où un sympathique agent Marocain me sort un billet en m’indiquant le
chemin à suivre pour l’embarquement à l’autre bout de l’aéroport.
-
Dépêchez-vous,
c’est assez loin, me prévient-il.
La course
continue dans des couloirs qui n’en finissent pas lorsque j’entends mon nom
dans les haut-parleurs de l’aérogare. Tendant l’oreille je comprends que l’on n’attend
plus que moi à la porte 42. Je presse encore le pas, si tant est que ce soit
possible, et m’engouffre dans l’avion sous le sourire indulgent de l’équipage.
Dans une dizaine d'heures je serai à
l’heure à la maison.
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