Devant-nous, une guirlande de Noël
ornée d’un étincelant Merry Christmas rouge et vert orne l’avenue, tandis que
sous les palmiers bordant la plage, des touristes aux formes rebondies flânent
nonchalamment, image quelque peu surréaliste pour nous qui
associons Noël à l’hiver.
De l’autre côté de la rue, les
boutiques à « touche-touche » proposent toutes sortes de « produits
de la mer » : maillots, tee-shirts, tongs, canards gonflables,
parasols et autres goodies.
Une chose m’étonne, les sous-titres
sont en Russe, et rien en Anglais. Je fais part de ma surprise à notre hôte qui
me répond très naturellement :
- Et bien oui, depuis que vous (sous-entendu les occidentaux), les avez mis sous embargos, les Russes ne savent plus où allez. Alors ils viennent dépenser leur argent chez nous. Alors on fait ce qu'il faut.
- Mais alors les autres, ceux qui venaient avant ? Les Européens, les Américains.
- Et bien ils ne viennent plus ?
- Et bien oui, depuis que vous (sous-entendu les occidentaux), les avez mis sous embargos, les Russes ne savent plus où allez. Alors ils viennent dépenser leur argent chez nous. Alors on fait ce qu'il faut.
- Mais alors les autres, ceux qui venaient avant ? Les Européens, les Américains.
- Et bien ils ne viennent plus ?
- Comment
ça ils ne viennent plus ?
- C’est-à-dire que les Russes sont maintenant les plus nombreux. Ils prennent beaucoup de place et on ne peut pas dire qu’ils soient très sympathiques depuis qu’ils sont sous pression…
- C’est-à-dire que les Russes sont maintenant les plus nombreux. Ils prennent beaucoup de place et on ne peut pas dire qu’ils soient très sympathiques depuis qu’ils sont sous pression…
Le commentaire sans équivoque me laisse
un goût amer que j’évacue rapidement en rebranchant sur des questions business.
Nous lançons ici une écloserie de crevettes et le sujet est passionnant.
Nous arrivons à notre hôtel. Autour de
l’arbre de Noël décorant le lobby de ces 1000 feux, des Russes partout,
omniprésents, omnipotents. Un couple me passe devant à l’enregistrement sous
les yeux ébahis de l’hôtesse d’accueil qui ne dit rien. Si le client est roi,
il se comporte ici comme en terrain conquis, tout comme dans la rue d’ailleurs,
où ils occupent tout l’espace. Tels des ours polaires sur leur territoire, on
les croise « au large », dans leurs tenues débraillées, certains,
ventre à l’air rosi par quelques coups de soleil bien placés.
…
6h30 : comme à l’habitude je sors
pour mon jogging quotidien. Courir en petite tenue sous les guirlandes de Noël
a quelque chose d’exotique.
Déjà la fourmilière laborieuse et
souriante s’agite. Presque toutes les boutiques sont ouvertes et les senteurs
de café (le meilleur du monde) embaument l’air tiède et humide de leurs arômes chocolatés, tandis que quelques marchands ambulants proposent montres, lunettes de soleils et
maroquinerie contrefaites. Un petit groupe de Russes matinaux, à moins qu’ils
ne soient pas encore couchés, sont bruyamment installés autour d’une petite
table à la terrasse d’un café, psalmodiant contre le cafetier qui semble ne
pas comprendre ce qu’ils veulent. Le savent-ils d’ailleurs eux-mêmes ?
Je retrouve le lobby de l’hôtel et
croise un jeune couple dans l’ascenseur. Curieux, l’homme me toise avant de lâcher
dans un anglais aux accents roulants :
- You are not Russian!
- You’re right, I'm French.
- You are not Russian!
- You’re right, I'm French.
Froncement de sourcil avant
d’ajouter de façon péremptoire:
- We are not friends! (nous ne sommes pas amis)
- We are not friends! (nous ne sommes pas amis)
Je ne cherche pas à argumenter, n’en ai
d’ailleurs pas le temps. La porte de l’ascenseur s’ouvre aussitôt sur la salle de
petit déjeuner, et c’est pour moi le repas le plus important.
Tout en buvant ma tasse de thé, je ne
peux m’empêcher de tenter de remettre tout cela dans son contexte, particulièrement l’humiliation que « nous » (les occidentaux) sommes
en train de faire subir aux Russes. Rien n’est simple évidemment, et ce qui se
passe en Ukraine n’est pas acceptable. Mais les isoler comme nous le faisons ne
fait qu’attiser les tensions en exaltant le nationalisme d’un peuple fier et d’un
pays puissant.
Comment naissent les tensions entre
les peuples...
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