mercredi 2 mars 2011

Jardin d'Eden

Je me souviens des films documentaires du Commandant Cousteau que nous regardions enfants sur la télé couleur de mes grands-parents. C’était incroyable de voir tous ces « playmobiles » dans leur scaphandre noir et jaune nager parmi les poissons multicolores entre les coraux aux reflets orangés dans les essaims de bulles scintillantes émises par les détendeurs des plongeurs. A la fin du film, il y avait toujours une petite morale naturaliste. Au moment nous n’y prêtions pas vraiment attention. Sûrement étions-nous encore trop jeunes pour tout bien saisir, mais sans doute était-ce aussi très avant-gardiste pour l’époque. C’était il y a presque 40 ans, et il est de ces images qui ne s’effacent pas de la mémoire d’enfant.

Equipé de 2 puissants moteurs de 100 CV, notre petit bateau file au large à vive allure en direction du massif corallien. Malgré le soleil de midi et l’absence de vent, l’air relatif de la vitesse et les embruns distillent une agréable sensation de fraîcheur.
Sous la mer turquoise des taches plus sombres indiquent que nous nous rapprochons du spot de plongée. Notre pilote stoppe alors l’embarcation et jette une petite ancre faite de fer à béton sur une zone claire à faible profondeur, puis, pointant du doigt vers l’ouest, indique la direction à prendre pour démarrer notre "exploration".
Sitôt arrêté la chaleur devient brûlante. Nous enfilons rapidement palmes, masques et tubas tout en gardant nos teeshirts pour se protéger du rayonnement solaire direct de début d’après-midi très peu filtré à cette latitude équatoriale.
Sauter dans l’eau est un délice. La bonne température exactement : fraîche et tiède à la fois. Sans effort le corps se détend complètement dans l’élément originel.
Ajustage du masque, du tuba, on s’allonge et un nouveau monde apparaît : l’eau qui, irisée par le soleil et le vent, semblait trouble en surface devient d’un seul coup cristalline, incroyable transparence de l’élément vital merveilleusement éclairé par le soleil au zénith. Puis, l’espace d’un instant, une étonnante impression de vertige, avec cette sensation unique de voler au dessus d’une planète insoupçonnée. Et ce silence où, si ce n’est quelques glouglous l’on entend essentiellement sa propre respiration au rythme des expirations.
Posés sur un fond sablonneux les premiers massifs coralliens ressemblent à d’extraordinaires rochers aux formes douces ou dentelées, sortes de concrétions vivantes aux subtiles nuances colorées.
Sur ces reliefs enchanteurs la vie semble exploser. Des milliers de poissons de toutes formes et tailles aux couleurs chatoyantes semblent n’avoir été dessinés que pour le bonheur des yeux : jaunes rayés de noir, rouges rayé de blanc et noir, bleus ou vert aux reflets arc-en-ciel, parfois fins comme des lames tranchantes ou alors plus haut que long ornés d’élégantes nageoires ondulantes.
Nous avons l’impression de voler au dessus d’un merveilleux jardin d’Eden dont l’esthétique n’a pas d’égal.
Soudain nous croisons un ban de poissons dont le déplacement semble réglé comme un balai, changeant de couleur au gré des mouvements et de l’éclairage. Puis un autre constitué de millions d’alevins étincelants et translucides.
En progressant la barrière de corail devient plus dense, plus spectaculaire aussi, avec de surprenants à pics comme des falaises d’où il ne ferait pas bon tomber. La houle devient aussi plus forte, perturbation de l’onde océanique par le magnifique mais redoutable relief sous marin, cause de bien des naufrages de navigateurs à la découverte de ces eaux pourtant à priori si accueillantes.
De temps en temps je ne résiste pas au plaisir d’une apnée, histoire de se fondre totalement dans cet environnement liquide, sensation trop éphémère d’ultime d’apesanteur.

Plus d’une heure et demie que nous sommes dans l’eau. Tout sourire nous remontons sur le bateau, revenant, de l’autre côté de la surface, à notre monde des « terriens-terrestres ».

Tandis que la terre se rapproche, encore sous le charme je ne peux m’empêcher de penser aux propos de Jacques-Yves Cousteau : « les gens protègent et respectent ce qu'ils aiment, et pour leur faire aimer la mer, il faut les émerveiller autant que les informer ».
Il ne suffit parfois que d'une paire de palmes et un masque de plongée.

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