jeudi 3 mars 2011

3 mars 1811

Au terme de quelques tractations de bas étage dont je tairai les détails, où comment obtenir une moto pour la journée sans permis de conduire… ni d’ailleurs d’assurance… nous voilà fièrement partis sur une plus toute jeune Honda 250 XR. Peu importe le flacon du moment qu’il y a l’ivresse, mais je ne vous dit pas la tête de Flo en découvrant la monture.
- Trop maigre ! qu’elle a dit… (le fantasme des femmes pour les grosses… motos).
- Pas d’lézard, on va faire avec ! que j’lui ai répondu tout aussi sec. Non mais quant même.
Ceci étant dit, premier objectif, trouver de l’essence, car bien entendu le petit réservoir est déjà sur la réserve ; on ne peut tout de même pas tout avoir du premier coup.
Premier arrêt dans un village où un gars à priori bien intentionné nous fait signe de le suivre : lui courant dans les ruelles de terre battue et nous suivant derrière sur la moto, pour finalement ne pas trouver une goute du précieux liquide. Nous comprenons qu’il y aurait une station à une dizaine de km. Je roule donc sur un filet de gaz jusqu’à la dite station où le pompiste sympa mais désoeuvré m’explique qu’il n’y a plus d’essence à cause des tensions avec la Somalie - nous voilà bien, ou plutôt mal - et qu’il va falloir poursuivre jusqu’à la capitale. Là ça ne va pas le faire. On parlemente et il nous amène finalement - lui devant courant à pied, nous derrière suivant en moto - jusqu’à une échoppe on l’on vend l’élixir en bouteilles, mais beaucoup plus cher. Y aurait-il collusion ? On fait le plein et repartons guillerets.

10 km plus loin, aïe, un barrage de police. On s’arrête. Le gars demande mon permis de conduire. Allez donc expliquer que je n’en ai qu’une mauvaise copie noire et blanc par ce que l’original est détenu par ses collègues Français… Même pas la peine d’essayer. Il me sort un extrait du code civil du pays expliquant, qu’en grave défaut, je suis susceptible d’aller en court… mais que, « si je comprends bien ce qu’il veut dire, tout peut s’arranger amicalement ». Ca tombe bien, je le comprends bien et j’aime l’amitié.
Fort d’un nouvel ami nous franchissons donc le barrage et plongeons dans une époque où la voiture n’existait pas, pas plus que l’électricité. Le long de la route, perdues dans une luxuriante végétation, de très simples maisons de terre crue recouvertes de palmes séchées, parfois regroupées en petits hameaux aux ruelles étroites, chemins de terre battue ocre entre les bananiers. De temps en temps de modestes étales où l’on peut trouver quelques fruits et légumes frais. Nous cherchons un endroit « publique » pour nous arrêter, un café ou quelque chose s’en approchant, histoire de se poser et tenter d’établir un contact avec les gens, même si la communication est difficile. Mais rien de ce qui pourrait y ressembler… Alors on continue de rouler doucement, achetons quelques petites bananes à manger au bord de la route puis remontons tranquillement vers le nord.
Nouveau barrage de police que nous franchissons fort d’un nouvel ami… et poursuivons jusqu’à la pointe nord de l’île pour tomber sur un incroyable chantier naval, où l’on construit des boutres en partant de troncs d’arbres soigneusement choisis puis travaillés à la main, sans aucun outil électrique, jusqu’à l’assemblage final avec de gros clous forgés sur place.
Nous sommes bien le 3 mars 2011. Sûr que le 3 mars 1811 cette journée n’auraient pas été très différentes. Sans doute aurions nous juste chevauché à cheval plutôt qu’à moto.

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