mercredi 21 avril 2010

"Echouer n'est pas une option !"

L’approche du Kennedy Space Center est une sorte de parcours initiatique vers ce lieu unique d’où sont parties les plus belles missions spatiales habitées, depuis les premiers lancements Mercury, improbables capsules en forme d’entonnoir, posée sur un missile balistique dans lequel on logeait pour quelques heures un astronaute ; puis les missions Gemini en duo ; suivi du programme lunaire Apollo en équipage à 3 ; jusqu’au Shuttle pouvant transporter 7 personnes plus une importante charge utile.

Ici règne une atmosphère unique, celle d’une base de lancement en exploitation que le grand public est invité à découvrir dans le cadre d’une organisation impeccable où visites et exploitation se déroulent en harmonie.
La fierté des Hommes qui y travaillent est palpable, ceux-là même qui ont réussi la prouesse extraordinaire il y a déjà 40 ans d’envoyer des Hommes marcher sur la lune. Et quels hommes !
Des galeries de portraits permettent de mettre des visages sur de noms.
Au-delà de la mise en scène, derrière « l’étoffe des héros », pas de doute ils en sont, je suis fasciné par la détermination, la sérénité et le charisme de ces portraits. Chacun d’eux exprime quelque chose de puissant, à la fois si unique et tellement partagé. Aucun d’eux n’est ici par hasard. Tous ont travaillé, se sont dépassés pour parvenir à réaliser leur rêve, aller dans l’espace et même, pour seulement 12 d’entre eux, marcher sur la lune. Quels destins extraordinaires, fruit d’une volonté politique audacieuse et de la mobilisation considérables de moyens humains, financiers et technologiques de toute une nation.
Piqués au vif par l’adversaire idéologique Russe, derrière leur jeune président ils ont imaginé le parie fou d’emmener l’Homme marcher sur la lune en moins d’une décennie, « non pas par ce que c’est facile, mais par ce que c’est difficile » disait le Président Kennedy. Et aussi incroyable que cela puisse encore paraître quelques 40 ans plus tard, ils ont surmonté toutes les difficultés techniques pour finalement toucher au but le 20 juillet 1969.
J’avais tout juste 5 ans lorsqu’au terme d’une odyssée spatiale de 4 jours à bord d’Apollo 11, Neil Amstrong posait le pied sur la Lune. Je me souviens comme si c’était hier de l’image noire et blanc floue et en contre jour diffusée par la 1ere chaine de télévision où l’on distinguait le scaphandre blanc d’Amstrong descendant l’échelle du LEM pour finalement poser le pied sur le sol sélène. Extraordinaire magie du direct, où un quart de l’humanité s’est retrouvé en communion à cet instant historique précis ; moment de grâce absolument unique, terme d’un incroyable voyage démarrée 4 jours plus tôt, aboutissement de la mobilisation permanente de presque un demi million de personnes pendant une décennie !

Au centre Kennedy on peut vivre une rétrospective de cette aventure, en découvrir les aspects techniques dans un gigantesque hall où sont précieusement conservés fusée, capsule et module d’alunissage de la dernière mission Apollo 18 annulée pour raison budgétaire. Sont aussi présentés des films retraçant toute l’épopée de la mission Apollo 11, depuis l’habillage de l’équipage jusqu’à leur redécollage de la Lune, dans des locaux reconstituant fidèlement le centre de contrôle des lancements de l’époque.
Sans exagérer, c’est absolument fascinant et bouleversant.
Marcher le long de la fusée lunaire Saturn 5 est impressionnant. La plus puissante jamais construite jusqu’à ce jour. 111 m de long et 10 mètres de diamètre à sa base. Un engin titanesque de plus de 3000 t au décollage au sommet duquel se trouve la minuscule capsule spatiale Apollo où prennent place les 3 astronautes.

« 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1, 0, lift off ! »

Quelques instants avant le décollage lui-même, les 5 moteurs du premier étage de la fusée s’allument. Un instant le temps semble suspendu jusqu’à ce que les flammes de l’enfer libèrent la pleine puissance de ce monstre semblant hésiter quelques fractions de seconde avant de commencer à s’élever, tout d’abord très lentement dans un tonnerre assourdissant accompagner d’intenses vibrations ressenties à des dizaines de kilomètres à la ronde. Il s’agit ni plus ni moins d’une formidable explosion maîtrisée, dosage subtil de carburant dont la combustion dans les énormes tuyères pousse verticalement l’engin qui commence à accélérer doucement. Quelle furie phénoménale dont on pourrait presque comparer l’intensité à celle d’une explosion nucléaire !
Pendant ce temps, là haut l’équipage continue d’égrainer les check-listes dans un calme olympien. Le paradoxe est extraordinaire entre le déchainement des éléments nécessaires au décollage du vaisseau et la tranquillité affichée par l’équipage, maîtrise parfaite des émotions, confiance absolue dans l’énorme travail d’équipe préalable à cet instant.
Au sol le public est pétrifié, subjuguer par l’intensité et la beauté du départ vers « la nouvelle frontière ». L’image est saisissante : un tonnerre éblouissant de fin du monde pour s’arracher à la l’attraction terrestre et filer vers les étoiles. Quelle image !
La fusée s’élève maintenant rapidement, crachant une belle flamme régulière aussi longue qu’elle pour atteindre sa vitesse nominale de 11 km/seconde nécessaire à s’arracher de l’attraction terrestre. Sanglés cote à cote en position allongée jambes repliées, les astronautes subissent une intense accélération de 7 G propulsés dans un premier temps en orbite terrestre après séparation du premier étage.
Puis tout redevient calme lorsque les moteurs s’arrêtent, laissant le vaisseau à son orbite terrestre pour la manœuvre d’assemblage du module de propulsions vers la lune et du module d’alunissage (LEM : Luna Exlorator Module).
A ce moment Apollo semble comme hésiter entre la proximité rassurante et magnifique de notre planète bleue, et l’appel de l’immensité spatiale, vertigineux espace d’un noir profond piqueté de millier d’étoiles, sur lequel se détache au loin la lune, objectif de la mission.
La complexe manœuvre d’assemblage se déroule sans encombre, maîtrise parfaite, symbiose de l’équipage et des équipes au sol.
Il s’agit maintenant de partir pour de bon vers la lune, en s’échappant complément de l’attraction terrestre sur une trajectoire précise pour ne pas manquer l’objectif, au risque d’aller se perdre dans l’immensité cosmique. Ce qui peut sembler banal prend ici une importance considérable dont chacun mesure bien les risques. Au moment précis choisi, le moteur du module de commande est alors allumé, propulsant Apollo 11 vers sa destination. Neil Amstrong, Buzz Aldrin et Mickael Collins deviennent à cet instant des voyageurs spatiaux, dépassant de loin le « simple » statut d’astronautes. Qu’ont bien pu ressentir ces hommes au moment du vrai départ : de la crainte ? de l’exaltation ? une joie immense ?...
Quoi qu’il en soit, c’était LE grand départ pour une extraordinaire odyssée de 6 jours, aller-retour, où chaque minute fut une véritable prouesse que ces hommes réalisent en direct, en communion avec les équipes de la NASA, leurs épouses, leurs enfants, leur nation, l’humanité toute entière.
De tout cela ils avaient nécessairement conscience.
Pouvaient-il échouer portés par une telle, foie, une telle énergie ?
A eux seuls ils représentent alors l’humanité toute entière quittant son berceau. Et chacun se rend parfaitement compte de ce moment unique dans l’histoire des Hommes.
Les images de ces hommes lors de leur voyage vers la lune ont quelque chose de « surnaturel ». Flottant en apesanteurs, éclairées par la lumière crue du soleil à travers les étroits hublots du vaisseau spatial, ils ressemblent à des icônes... parlant peu, sauf par codes techniques avec le centre de contrôle de Huston, continuant d’égrainer les check-listes de progression de la mission. Chacun fait son job en totale confiance avec ses équipiers. Aucune pression apparente. Il semble faire si bon vivre dans la cabine qu’on en oublierait même le côté pour le moins spartiate pour une impression de cocon douillet…

La terre s’éloigne derrière le vaisseau, image irréelle de notre planète « bleue comme une orange » diminuant progressivement au milieu du noir cosmique, tandis que de l’autre coté le disque lunaire grandi doucement.



Le vaisseau se satellise autour de la lune, découvrant des paysages tourmentés d’un gris profond tellement différent du jaune pastel tel que nous la voyons depuis la terre. Le paysage semble presque menaçant et il faut maintenant engager la phase cruciale de séparation du vaisseau de propulsion qui reste en orbite avec à son bord Mickael Colins, et du LEM « Eagle » qui doit emmener jusqu’au sol sélène Neil Amstrong et Buzz Aldrin. La manœuvre est une image d’anthologie, quand Colins filme l’éloignement progressif d’Eagle, improbable engin aux forme d’insecte semblant d’une extrême fragilité, défilant sur fond de paysages lunaires. Que pouvait alors penser Mickael Colins au moment d’abandonner ses équipiers pour l’objectif principal de la mission ? Et Niel Amstrong et Buzz Aldrin, laissant seul si près du but leur équipier, à attendre un retour somme toute incertain.
Mickael pouvait-il imaginer rentrer seul d’une mission qui aurait échoué, abandonnant ses équipiers à leur triste sort ?
Fort heureusement l’histoire ne s’est pas passée comme ça.

Eagle approche doucement de la surface lunaire. La concentration tant de l’équipage que des équipes de Huston est totale. Communications monosyllabiques entrecoupées de « Roger » de validation. Mètre par mètre, la descente permet la découverte d’un paysage de plus en plus tourmenté, presqu’hostile.
Alors qu’il ne reste plus que quelques dizaines de mètres, l’ordinateur de bord se met en défaut.
Moment « d’effroi » à Houston.
Aussitôt Neil Amstrong prend les commandes en manuel, pilotant le frêle engin au dessus du relief lunaire, cherchant une zone d’alunissage acceptable. Le carburant s’épuise rapidement. Eagle est encore à 30 mètres du sol et il y a urgence. Neil Amstrong fait alors preuve d’une maîtrise hors du commun, posant sans casse le module alors qu’il ne reste plus que quelques secondes de combustible. Sans son absolue maîtrise la mission échouait à ce stade.
- Ici Mer de la Tranquillité, Eagle s’est posé ! »
Tonnerre d’applaudissements et embrassades à Houston. Le directeur des vols en a la larme à l’œil. Et il n’est pas le seul… Ne serait-ce que revoir ces images m’émeut toujours au plus haut point.
A cet instant, quels regards ont bien pu échanger Neil et Buzz ? Probablement de ceux qu’on pu échanger Christophe Colomb et son équipage lorsque la vigie à crier « terre, terre », au terme de semaines de navigations vers l’ouest vers ce qu’il pensait être l’Amérique.
Et la mission continue, au rythme de déroulement de procédures parfaitement cadencées et maîtrisées.
Dans l’espace réduit de leur minuscule cabine, les astronautes enfilent successivement leurs scaphandres de sortie. Deux heures d’habillage précis où chaque détail est une nouvelle fois vérifié et revérifié. Puis Amstrong ouvre le sas de décompression et la porte de sortie. Je ne crois pas possible d’imaginer ni même de restituer l’émotion ressentie à cet instant. Une nouvelle fois, personne n’avait fait cela avant eux. Depuis 3 jours ils enchaînent premières sur premières, au plus haut niveau de ce que l’homme pouvait imaginer. Ils sont maintenant si près du but…
Neil Amstrong descend alors à reculons l’échelle de sortie le long de l’une des pattes du LEM sous le regard incrédule et émerveillé de milliard de téléspectateurs du monde entier. Chacun retenant son souffle devant cette image floue en noir et blanc et contre-jour. Instant unique.
Que se passe t-il alors dans la tête d’Amstrong ?
Il arrive maintenant sur le dernier barreau. Une seconde d’hésitation, avant de poser prudemment le pied sur la lune. Pas d’autre bruit que les bips de la ligne radio avec Houston. Puis, sous les applaudissements de milliards d’humains, il prononce alors sa phrase historique d’une beauté parfaite :
- Un petit pas pour l’homme, un bon de géant pour l’humanité !
Y a t-il pensé avant ?
Est-elle venue spontanément ?
Peu importe, elle est magique, empreinte de modestie et de grandeur, partage avec les Hommes et les Femmes du monde entier cet instant universel que l’Amérique nous offre

Des deux heures et demie passée ensuite sur la lune avec Aldrin ne resteront que quelques photos inoubliables : l’empreinte du premier pas, le reflet d’Amstrong dans la visière d’Aldrin lorsqu’il le prend de face en photo, le planté du drapeau US dans « cette magnifique désolation » si bien décrite par Buzz Aldrin.

Ils sont ensuite rentrés en continuant d’enchaîner les exploits techniques passés presque inaperçus. Et si l’unique moteur du LEM n’avait pas démarré pour les arracher à l’attraction de la force lunaire ? Et si le rendez-vous en orbite lunaire avec Mickael Colins ne s’était pas passé comme prévu avant de repartir vers la terre ? Et si l’entrée de la capsule dans l’atmosphère terrestre s’était mal passée ? Et si ? Et si ? Et si ?
Mais tout échec était impossible.
Ils avaient transporté l’humanité dans une autre dimension, faisant vibrer à l’unisson la communauté des Hommes conscients de l’universalité de l’exploit. Ils ne pouvaient pas échouer.



Je n’aurai très certainement jamais le privilège de rencontrer l'un de ces hommes. Et pourtant j’aimerais, simplement pour le remercier de l’avoir fait, le regarder au fond des yeux pour tenter d’y voir ce supplément d’âme en lui demandant quels rêves porte t-il encore après avoir réalisé un tel voyage ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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