samedi 8 mars 2014

Au commencement du monde



Poursuivant notre cabotage, nous abordons l'île Bartolomé, volcan brusquement sorti des flots il a quelques centaines de milliers d'années, un instant à l'échelle géologique. Spectaculaires coulées de lave fossilisées venant mourir dans l'océan en un nuancier de couleurs parfaites : mélange de silices pourpres, grises et noires  sous un ciel bleu moutonneux. Pas la moindre plante, seuls quelques petits lézards endémiques se sont adaptés sur cette terre encore vierge aux allures de sanctuaire géologique.

On gravit la pente assez raide par un chemin aménagé entre d’impressionnants cônes volcaniques éteints à la bouche encore grande ouverte. En se retournant on découvre une spectaculaire vue sur un lagon vert émeraude dans un cratère parfaitement circulaire rasant la surface, pur chef d'œuvre de la nature. Au large un navire "National Geographic" à jeté l’encre.
Darwin a passé quelques jours ici. La découverte d'un tel lieu aux allures de commencement du monde n’a pu le laisser insensible.
Poursuivant l'ascension jusqu’au sommet, s’offre alors une vue panoramique sur l'ensemble de l'archipel dont on dit qu’elle serait la plus belle des Galapagos. Cela ressemble en effet à la perfection, de celle du Sahara sous la lumière rasante de l'aube, des neiges éternelles du Mont-Blanc derrière les Aiguilles du Midi au couché du soleil, ou encore des plaines africaines quand paissent les grands herbivores sous les acacias.

Nous redescendons encore ébahis par un tel spectacle jusqu’à une petite plage de sable blanc où lézardent quelques iguanes aux cotés de démonstratifs lions de mer. Plus loin un pélican perché sur un gros rocher semble surveiller nonchalamment la scène, tandis que quelques pingouins plongent tels des torpilles à la poursuite de leurs poissons favoris.
Le temps d’enfiler combinaisons, palmes et masques pour s’immerger dans la troisième dimension et se retrouver au  milieu d’un foisonnement de vie : innombrables poissons de toutes sortes, toutes tailles, déclinant les couleurs de l’arc en ciel sous la lumière diffractée du soleil de midi à travers le lagon, comme si la nature aride de la surface compensait par une explosion de vie subaquatique ; là où tout a commencé. 
Or cela Darwin n’a pas pu le contempler, faute d’équipement. Et même s’il est possible d’en percevoir en transparence une infime partie depuis la surface, accéder à cette dimension change complètement notre vision de la vie sur la planète tant cette diversité « cachée » apparait essentielle et fragile à la fois.

Je me demande quelle aurait pu être la pensée de Darwin s'il avait pu le voir aussi ?

Aucun commentaire: