dimanche 31 mars 2013

z'auriez pas une chambre ?



Rostov la nuit en hivers ressemble un peu aux images de ces films sombres des années 80, à une époque où l’on diabolisait encore le bloc de l’Est : lumières blafardes dans des rues où circulent des voitures déglinguées, façades décrépies, neige sale sur les trottoirs, et furtivement quelques rares passants emmitouflés dans d’épais manteaux à col fourré rasant prudemment les murs pour ne pas glisser.

Minuit et demi lorsque nous arrivons à l’hôtel réservé de longue date par notre agence depuis la France – dans le cadre de procédures d’application des visas pour la Russie exigeant encore en préalable l’adresse des lieux de résidence durant les séjours, vestige d’une époque aujourd’hui révolue.
Dehors, devant la porte battante aux vitres sales, des gardes à l’air patibulaire coiffés d’une chapka « se les gèlent » visiblement.
Nous entrons dans un vaste hall glacial. A droite un petit magasin de « bondieuseries » locales. Face à nous un large escalier dans le plus pur style poststalinien. Sur notre gauche un long comptoir élimé au coin duquel sont avachis 2 types aux cheveux rasés et vestes militaires défraîchies.
Une solide jeune femme nous accueille :
-      Problème avec réservation Monsieur, nous dit-elle dans un Français guttural sans même que nous ayons eu à nous présenter…
-      Problème, problème, quel problème ?
-      Pas chambre pour vous dans hôtel…
-      Comment ça pas chambre pour nous ? Mais nous avons une réservation !
-      Da, da, mais changement hôtel… Désolé, désolé.
-      Mais comment c’est possible ?
Et là évidemment les choses se compliquent pour se comprendre, la demoiselle ne parlant pas mieux Anglais.
Vincent que j’accompagne sur cette mission appelle alors Olga, notre collègue Russe restée en France pour cause de grossesse. Une heure du matin ici, 22 heures en France, c’est encore raisonnable, et la met en relation avec notre hôtesse qui se perd en explications visiblement scabreuses.
Au final, pas d’autre choix que de reprendre un taxi pour traverser la ville et rejoindre un autre hôtel à l'autre bout de la ville.
En toute hâte nous montons dans une voiture semblant nous attendre devant la porte, donnons au chauffeur un papier griffonné avec la destination. Il démarre, parcours quelques dizaines de mètres avant de s’arrêter téléphoner, visiblement perturbé par notre intrusion dans son véhicule. Impossible de communiquer avec lui. Nouvel appel d’Olga : ce n’est pas la bonne voiture, en fait pas un taxi du tout... On comprend le trouble du quidam face à deux pieds nickelés venus d’on ne sait où. Nous sortons du véhicule sans plus d’explication.
Le vrai taxi nous attend cette fois-ci devant l’entrée.
Et c’est parti pour un petit rallye nocturne dans les ruelles de Rostov défoncées par le gel au sortir de l’hiver Russe, dédale de rues à sens unique dans l’obscurité la plus totale où l’on croise des chats faméliques. A se demander où il nous conduit. Et lorsque le chauffeur comprend que nous sommes Français, avec un large sourire il fait nous le coup de  « Sarkozy - Depardieu – Zidane », tandis qu’à la radio des chansons Russes aux tonalités mélancoliques nous réchauffent le  cœur…
Tien, nous rejoignons enfin une rue éclairée. La voiture s’arrête. C’est ici.
Nous entrons dans un bâtiment hors d’âge étant visiblement attendus.
Formalités habituelles totalement inutiles, puis l’hôtesse aux formes avantageuses moulées dans un corsage transparent largement décolleté nous tend la clé.
-      Et la deuxième s’il vous plait ?
Et bien y en n’a pas !
D’accord, mais nous sommes deux. (Décidément quand ça ne veut pas…)
Sous le regard condescendant d’un solide gaillard assis au coin du comptoir, la fille fait de son mieux pour expliquer qu’il n’y a pas de problème car la chambre a deux lits.
Evidemment…
Allez, on va faire avec. Il est temps de se coucher, la nuit va être courte et demain les choses vraiment sérieuses nous attendent.

Aucun commentaire: