Bangkok 18h30 : par un long
couloir climatisé, d’un pas rapide je sorts du vaste hall où se déroule le
Bitec, grand salon professionnel qui draine ici tous les deux ans le monde de
l’élevage. Rien de très exotique de prime abord, mais absolument passionnant.
C’est en effet en Asie que les choses se passent maintenant, et pour tout dire
cela fait un bien fou de sortir du contexte déprimé (déprimant) de l’économie
Européenne.
Ici, comme d’ailleurs en Amérique du
Sud, les gens regardent l’avenir avec gourmandise, comme un gros gâteau à se partager,
quand en Europe on ne parle plus que de crise, plan sociaux, réforme des
retraites et de la sécurité sociale qu’il faudra bien faire un jour en
profondeur, mais dont personne ne veut vraiment prendre la responsabilité.
Alors on attend en s’enfonçant doucement, sorte de « syndrome du Titanic »
social, en faisant semblant de penser que ça va bien finir par s’arranger.
Alors qu’il est évident que « ça va pas l’faire » si aucune décision
courageuse n’est prise.
Sitôt à l’extérieur je regarde le
ciel vers l’ouest. Entre les buildings le soleil se couche dans les brumes du
smog de la ville, dégradé de rose et d’orange au milieu duquel flottent des
volutes grises sous la couche d’inversion. Je cherche un horizon plus dégagé
pour tenter de l’apercevoir et monte rapidement sur la plateforme du skytrain. Alors
que le soleil disparait derrière les constructions barrant l’horizon, nous
roulons sur le viaduc en béton surplombant les constructions de plein de pied vers
le centre ville où les étoiles électriques s’allument doucement. Dans le ciel
brun aucun astre n’est encore visible.
Nous descendons à la station
« Nana ».
Je me précipite, scrute de nouveau
vers l’ouest entre les tours de béton et entrevois dans les brumes
crépusculaires le fin croissant de la nouvelle lune. Mon cœur s’accélère. Selon
les prévisions elle doit se trouver dessous, noyée dans les dernières lueurs
évanescentes de la journée. Il me faut prendre de l’altitude pour espérer la découvrir.
A marche forcée je rentre vers mon hôtel, me précipite dans l’ascenseur et tape
43, le dernier étage. Arrivée là haut il devrait bien y avoir un accès sur la
terrasse. Je pousse la porte de la sortie de secours. Sur la gauche un escalier
descend vers les étages. A droite une échelle abrupte donne sur une porte en
fer. Sans hésiter je gravis les quelques barreaux et pousse la porte. Une
bouffée de chaleur me caresse le visage. J’y suis !
Sous mes yeux Bangkok by night brille
de mille feux. A l’ouest une tour au sommet triangulaire domine ce paysage urbain.
Juste à sa verticale le fin croissant de lune posée comme au sommet d’un minaret.
Magique ! Je sorts les jumelles et les braque vers la lune. Descendre
doucement en comptant huit fois son diamètre et je devrais tomber dessus. Mais
je ne vois rien à travers ce ciel saturée de gaz pollués. Même l’image de la
lune semble comme flotter dans des volutes d’air chaud chargé de particules
grises. Je jette un œil au zénith ou l’épaisseur plus fine de l’atmosphère permet
normalement de mieux profiter de la voute céleste. Mais rien, ou presque. Seules
quelques étoiles brillantes scintillent faiblement dans un halo orangé. Ici
elles n’existent que sur les façades de bétons, mirages électriques servant de
repères à « l’homo-urbanis », habitants des mégalopoles modernes qui
ont oublié la nuit noire de nos ancêtres où de rares
régions encore isolées, lorsque les astres servent toujours de repères temporels autour
desquels se sont développés de merveilleuses allégories.
Dans trois jours je retrouve ma
campagne et son ciel pur. S’il fait beau je referai une tentative. Et si chez
vous le ciel est clair, que votre horizon ouest est bien dégagé, n’hésitez pas non
plus à jeter un coup d’œil. Vous pourriez bien aussi tomber sous le charme.
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