dimanche 17 mars 2013

Rêve de comète



Bangkok 18h30 : par un long couloir climatisé, d’un pas rapide je sorts du vaste hall où se déroule le Bitec, grand salon professionnel qui draine ici tous les deux ans le monde de l’élevage. Rien de très exotique de prime abord, mais absolument passionnant. C’est en effet en Asie que les choses se passent maintenant, et pour tout dire cela fait un bien fou de sortir du contexte déprimé (déprimant) de l’économie Européenne.
Ici, comme d’ailleurs en Amérique du Sud, les gens regardent l’avenir avec gourmandise, comme un gros gâteau à se partager, quand en Europe on ne parle plus que de crise, plan sociaux, réforme des retraites et de la sécurité sociale qu’il faudra bien faire un jour en profondeur, mais dont personne ne veut vraiment prendre la responsabilité. Alors on attend en s’enfonçant doucement, sorte de « syndrome du Titanic » social, en faisant semblant de penser que ça va bien finir par s’arranger. Alors qu’il est évident que « ça va pas l’faire » si aucune décision courageuse n’est prise.

Sitôt à l’extérieur je regarde le ciel vers l’ouest. Entre les buildings le soleil se couche dans les brumes du smog de la ville, dégradé de rose et d’orange au milieu duquel flottent des volutes grises sous la couche d’inversion. Je cherche un horizon plus dégagé pour tenter de l’apercevoir et monte rapidement sur la plateforme du skytrain. Alors que le soleil disparait derrière les constructions barrant l’horizon, nous roulons sur le viaduc en béton surplombant les constructions de plein de pied vers le centre ville où les étoiles électriques s’allument doucement. Dans le ciel brun aucun astre n’est encore visible.
Nous descendons à la station « Nana ».
Je me précipite, scrute de nouveau vers l’ouest entre les tours de béton et entrevois dans les brumes crépusculaires le fin croissant de la nouvelle lune. Mon cœur s’accélère. Selon les prévisions elle doit se trouver dessous, noyée dans les dernières lueurs évanescentes de la journée. Il me faut prendre de l’altitude pour espérer la découvrir. A marche forcée je rentre vers mon hôtel, me précipite dans l’ascenseur et tape 43, le dernier étage. Arrivée là haut il devrait bien y avoir un accès sur la terrasse. Je pousse la porte de la sortie de secours. Sur la gauche un escalier descend vers les étages. A droite une échelle abrupte donne sur une porte en fer. Sans hésiter je gravis les quelques barreaux et pousse la porte. Une bouffée de chaleur me caresse le visage. J’y suis !
Sous mes yeux Bangkok by night brille de mille feux. A l’ouest une tour au sommet triangulaire domine ce paysage urbain. Juste à sa verticale le fin croissant de lune posée comme au sommet d’un minaret. Magique ! Je sorts les jumelles et les braque vers la lune. Descendre doucement en comptant huit fois son diamètre et je devrais tomber dessus. Mais je ne vois rien à travers ce ciel saturée de gaz pollués. Même l’image de la lune semble comme flotter dans des volutes d’air chaud chargé de particules grises. Je jette un œil au zénith ou l’épaisseur plus fine de l’atmosphère permet normalement de mieux profiter de la voute céleste. Mais rien, ou presque. Seules quelques étoiles brillantes scintillent faiblement dans un halo orangé. Ici elles n’existent que sur les façades de bétons, mirages électriques servant de repères à « l’homo-urbanis », habitants des mégalopoles modernes qui ont oublié la nuit noire de nos ancêtres où de rares régions encore isolées, lorsque les astres servent toujours de repères temporels autour desquels se sont développés de merveilleuses allégories.
Je repointe mes jumelles vers l’horizon ouest que la lune va bientôt rejoindre. Mais toujours rien. Ce ne sera définitivement pas ce soir que je verrai la comète Panstarrs. Une comète, astre rare et éphémère à l’origine de tant de présages légendaires…

Dans trois jours je retrouve ma campagne et son ciel pur. S’il fait beau je referai une tentative. Et si chez vous le ciel est clair, que votre horizon ouest est bien dégagé, n’hésitez pas non plus à jeter un coup d’œil. Vous pourriez bien aussi tomber sous le charme.

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