dimanche 19 juin 2011

Ne jamais vendre la peau du panda...

Confiants nous en étions aux dernières virgules du contrat.
Il faut dire nous l’avions bien mérité. Trois ans de travail commercial en équipe, systématique, appliqué, laborieux. A écouter, comprendre, faire valoir nos arguments puis enfin convaincre.
Il en avait fallu des visites, en Chine bien sûr, mais aussi l’accueil des correspondants dans nos installations tant européennes qu’américaines.
Trois ans de patience pendant lesquels nous mangions comme eux, buvions comme eux, parlions des mêmes choses qu’eux, ne manquions aucune attention, histoire de renforcer les liens et parvenir enfin à la conclusion d’un accord.
Et cette fois devait être la bonne, nous n’en doutions pas. Nous étions donc venu en force mais décontractés finaliser un important accord tant pour nous que pour le client.

La salle de réunion était comme d’habitude parfaite : fleurs et fruits à chaque place nominative, panneau d’accueil personnalisé, vidéoprojecteur réglé au petit poil, service de boisson servi par de charmantes hôtesses.
On repasse donc à travers le contrat sans grande difficulté. Quelques détails à ajuster ici et là, mais rien de significatif. Les conditions commerciales semblent admises et avec David ne pouvons nous empêcher de parler de la bouteille de champagne à sabrer semaine prochaine avec notre équipe…
Pause déjeuner. Au moment où nous quittons la salle le Président lâche une petite phrase sibylline :
- Profitons du moment du déjeuner pour soumettre une dernière fois le document à nos partenaires.
Ses partenaires ; quels partenaires ? N’aurions nous pas encore tout compris du deal potentiel ?
Ambiance bonne enfant pendant le repas. On trinque, sans abuser, au succès de notre partenariat naissant.
Retour en salle de réunion. Tien le président n’est plus là. Avec une légère appréhension nous repassons à travers le contrat soit disant revu par les partenaires. Fort heureusement, pas de changements significatifs.
Courte interruption de séance avant l’impression papier pour signature pense t-on, quand l’un de nos interlocuteur revient un peu gêné à la table des négociations avec une revendication sur le prix.
Ne manquait plus que ça, nous qui pensions le point clarifié lors de la séance de la matinée.
On rediscute donc quelque peu contrariés par le procédé, faisant contre mauvaise fortune cœur en se disant que c’est finalement de bonne guerre. Il faut signer, nous arrondissons donc un peu les angles pour permettre enfin la conclusion.
Nouvelle interruption de séance demandée par nos interlocuteurs. Ca devrait le faire pense t-on. Surprise, ils reviennent quelques minutes plus tard, mine défaite, avec de nouvelles revendications extravagantes soit disant demandées par le Président qui brille toujours pas son absence. Ca ce complique…
La fin de l’après midi n’est qu’une suite de marchandages incohérents digne des souks de Marrakech alors que nous parlons ici d’un important contrat stratégique sur 5 ans renouvelables, de plusieurs millions de dollars. Il se passe un truc que nous ne comprenons pas…
18h, ici l’heure du dîner. Ambiance pour le moins tendue. Tien, le Président est là avec sa tête des mauvais jours. Je mets les pieds dans le plat en lui faisant part avec diplomatie mais de manière claire de notre déception au moment où nous pensions avoir trouvé les termes d’un accord équilibré. Nos coéquipiers Chinois sont au troisième dessous et, malgré la tension, devons absolument éviter de faire perdre la face à qui que ce soit. A l’évidence il y a un os, et nous acquérons la certitude que l’argument du prix n’est que le moyen de retarder la conclusion de l’accord. Nous campons donc sur notre position tout en insistant sur notre volonté de garder le contact et rester « bon amis ». Notre attitude ferme mais toujours constructive semble soulager nos interlocuteurs.

Retour à l’hôtel un peu frustrés. Tout cela n’aurait-il été qu’un grand jeu dont nous serions les objets ? Ici rien n’est impossible.
Il est presque minuit et je ne parviens pas à fermer l’œil, tournant et retournant en boucle toute cette histoire, plus déterminé que jamais à conclure ce deal.
5h du matin, le jour pointe. J’enfile mon short et mes Asics et descends courir le long de la plage. Dieu que c’est bon ! L’air frais, le corps en action, le stress qui s’évacue doucement et les idées se remettent en place. Une nouvelle journée qui commence.

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