dimanche 13 décembre 2009

Garder son regard d'enfant


Jeudi soir, réception d’investisseurs financiers dans une galerie d’art parisienne non loin de la place de l’étoile.
Si ce type de soirée n’est pas à proprement parlé ma tasse de thé, il y a parfois des obligations. Et celle-ci, n’était à vrai dire pas désagréable.
Entre les poignées de main des messieurs en costumes sombres et les sourires des dames chics un peu stéréotypées, toujours amusant de prendre un instant de recul pour observer les jeux de rôle de cette petite société où chacun vient avec ses motivations, mais dont le dénominateur commun se nomme « argent ».

Avant les petits fours et la visite guidée de la galerie d’art africain, nous avons droit à l’exposé magistral d’un économiste de renom expliquant avec brio les mécanismes de la crise mondiale que nous traversons, puis les ressorts pour s’en sortir. Vers un nouvel ordre mondial s’appuyant sur de nouveaux équilibres : entre création de richesses réelles et spéculation, équilibre nord-sud et urgence climatique, administration privée et contrôle des états…
Brillant mais sans chaleur. Juste une analyse froide et magistrale maniant certes avec intelligence, mais apparemment peu de sensibilité, tous ces grands enjeux.
Mon voisin de droite qui a visiblement décroché joue avec son Blackberry.
- Et dire que ce sont ces types qui conseillent nos dirigeants, lâche spontanément une jeune femme enceinte jusqu’au cou assise juste derrière moi.
En sortant je lui demande :
- C’est pour quand ?
- Mi-janvier répond elle avec un sourire un peu las…
- C’est votre premier ?
- Mon deuxième.
Nous nous perdons dans la bousculade vers le buffet.

Dans le brouhaha de ce type de réunion il y en a toujours pour se faire remarquer.
Quelques hommes grande-gueules autour desquels tournent des pin-ups sur échasses aux motivations clairement affichées.
Ceux qui ne décollent pas du bar.
Les accros du buffet un peu bedonnants.
Quant à moi j’en profite pour échanger avec quelques connaissances sur le passionnant développement de notre projet industriel, faisant tout mon possible pour les y intéresser, ce qui objectivement n’est pas bien difficile.

Un peu avant 23h, après avoir remercié les hôtes pour « la charmante soirée », je quitte les lieux pour retrouver ma voiture et filer vers la Bretagne où je dois démarrer de bonne heure demain matin.
La rue illuminée est mise en valeur par les décorations de Noël. Tout en marchant d’un pas rapide, vivifié par la fraîche température, je profite des jolies lumières. Rapidement j’arrive à la voiture, mais, porté par cette ambiance scintillante, décide de poursuivre à pied jusqu’à la Place de l’Etoile dont j’aperçois en perspective l’Arc de Triomphe.
Les vitrines décorées ajoutent encore à l’air de fête. Quelques passants emmitouflés
marchent d’un pas rapide à cette heure déjà avancée.
En arrivant sur la place au milieu de laquelle trône l'un des symboles monumentaux de la République, mon nouvel objectif est la descente des Champs Elysées. Encore faut-il y parvenir, les branches de l’étoile sont nombreuses. Première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième…
Ouah, quelle perspective !
« La plus belle avenue du monde », selon les français, a revêtu ses plus beaux atours : les deux rangées d’arbres bordant l’avenue sont illuminées de guirlandes argentées légères et dégoulinantes du plus bel effet. Sur les larges trottoirs le long des vitrines, des centaines de badauds déambulent tranquillement, profitant de l’ambiance si particulière de cette période de Noël. Au bout de l’Avenue, Place de la Concorde une grande roue disposée perpendiculairement ponctue la majestueuse perspective.
Imitant de nombreux touristes étrangers, afin de ne rien manquer du spectacle, je traverse l’avenue pour m’arrêter sur le terre-plein central entre les voitures montantes aux phares éblouissants, et descendantes dont les feux rouges clignotent au gré des ralentissements. Je propose à des amoureux "latinos" frigorifiées d’immortaliser leur instant magique sur une photo. Cadrant l’instantané sur le petit écran LCD, j’appuie sur le bouton de l’appareil avant de leur redonner. Tout sourire ils me remercient en repartant bras dessus bras dessous.
Sous le charme je décide de descendre Les Champs « rive droite », porté par le flot des promeneurs de Noël.
Des gens du monde entiers marchent des étoiles plein les yeux : ici deux femmes en fourrure et sacs à main Vuitton s’émerveillent devant une boutique de mode haut de gamme. Là un jeune couple à priori Japonais semble un peu perdu, tandis qu’une famille Américaine cherche quelque chose à se mettre sous la dent. Pas facile de trouver à cette heure tardive depuis que Mac’Do a déménagé, dissuadé par les loyers prohibitifs de l’endroit...
Etonnamment peu de personnes seules, alors qu’il y en a tant dans la capitale aux heures de la journée…
Et toutes ces vitrines décorées des beaux magasins qui ajoutent encore à l’ambiance festive du moment, entretenant nos envies d’autre chose.
Plus bas, de l’autre coté de l’avenue, un éphémère marché de Noël, petits chalets de bois recouverts de neige artificielle éclairée d’un bleu glacé façon dessins animés, ajoute à l’ambiance un décor "grand nord" auquel ne manque plus que les rennes et le Père Noël qui à cette heure tardive est certainement allé se reposer après une éprouvante journée à jouer la comédie pour les enfants de passage qui en rêvent encore.

Il est minuit et j’ai encore plus de 2 heures de route.
Je retrouve la voiture en me disant que décidément les plus beaux voyages sont parfois inattendus, coïncidence d'un instant, d'un lieu et du regard que l'on y porte.
Et tout en redescendant Les Champs Elysées à faible allure, encore sous le charme du moment, je me redis combien il est essentiel de ne pas perdre son regard d’enfant.

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