vendredi 24 août 2018

Le charme de Saïgon



Saïgon garde encore le charme des villes coloniales que la modernité n’a pas encore complètement phagocyté.
On y trouve toujours des petits quartiers desservis par des ruelles ombragées où il fait bon flâner le soir, s’arrêter diner sur le pouce à un restaurant ambulant – bicyclette façon food-truck – où l’on trouve la street-food locale, le phô, cette soupe de nouilles et bouillon de viande agrémentée d’herbes fraîches aux saveurs exquises, ou de délicieuses brochettes de poulet et poisson épicées.
Au sud de la ville, les navires de pêche et de commerce se croisent sur le Mékong qui se dilue dans la mer de Chine.
Du temps de la marine à voile les jonques y croisaient les 3 mats occidentaux, image d’Epinal aujourd’hui disparue.

Je me souviens de mes premiers voyages ici dans les années 90. 
A l’époque LE moyen de déplacement étaient les vélos qui circulaient pas milliers dans les rues étroites. La gageure était alors de trouver l’ouverture pour traverser la route, avant de comprendre qu’en l’absence de régulation de ce flux permanent, rien ne servait d’attendre et qu’il fallait y aller en marchant régulièrement, comptant sur l’anticipation des cyclistes.
Aujourd’hui les petites motos ont remplacé les vélos, emplissant la ville d’un bourdonnement permanent de frelons asiatiques. Et les voitures qui commencent à boucher le trafic, rendant la circulation infernale à certaines heures. Mais pour traverser la rue, rien n’a changer. On s’engage et ne s’arrête surtout pas… Ce sont motos et voitures qui, sans ralentir, se chargent d’éviter les piétons. Chaud devant !

Le soir la ville ne s’arrête pas. On retrouve les habitants dehors sur les trottoirs, assis par terre ou sur de petits tabourets en bois ou plastiques, à discuter, manger, jouer aux cartes ou commercer aux seuils de petites boutiques : épiceries, marchands de souvenirs bon marché, vendeurs de fausses montres, textiles et chaussure de marques, incroyable industrie du véritable faux bling-bling à 10 balles.
En cherchant un peu on trouve aussi des échoppes vendant le vrai artisanat local. Et lorsque j’aperçois une carène de bateau ou une aile d’avion je ne peux m’empêcher d’entrer.
A l’intérieur, posées sur de simples planches poussiéreuses, des dizaines, peut-être mêmes des centaines de maquettes en bois, navires et avions de toutes tailles. Depuis le simple jouet pour enfant jusqu’au 3 mâts de 2 mètres de long, avec voiles, poulies et haubans.
C’est une incroyable invitation au voyage que de se faufiler dans cette étroite boutique entre des vaisseaux de guerre du 18ème, navire marchant à voiles du 19ème, yatch de sport des débuts de l’América’s cup et paquebots transatlantiques de l’entre 2 guerres.
Par curiosité je cherche la maquette du Discovery, navire d’exploration polaire de Scott. Ceux qui me lise régulièrement comprendront. Il n’est malheureusement pas disponible, mais je tombe sur celle du Normandie, magnifique transatlantique Français des années 30, plusieurs fois détenteurs du ruban bleu – le record de la traversée – au temps où l’avion n’avait pas encore supplanté le paquebot. C’était alors le nec plus ultra, à la fois rapide et luxueux pour une traversée le Havre - New-York, en un peu plus de 4 jours de croisière.
La maquette toute en bois peint est magnifique, avec sa coque noire et rouge de près d’un mètre, ses 3 cheminées, ses ponts vernis, bastingages blancs et tous les hublots. Rien à voir avec les hôtels flottants construits aujourd’hui à St Nazaire : impressionnant techniquement, mais sans aucune élégance.
C’était l’âge d’or de la marine de voyage et le Normandie en est sans doute le plus beau représentant.
Sous le charme de l’objet je ne peux m’empêcher de demander le prix au boutiquier. Deux minutes de discussion et nous tombons d’accord pour 60 €. Soixante Euros pour un « chef d’œuvre ». Ne reste plus qu’à l’emballer et le ramener à la maison en bagage à main ; en espérant que la compagnie aérienne ne fera pas de problème.

Tous comme les paquebots transatlantiques, ces échoppes vendant de l’authentique sont en train de disparaitre au profit de souvenirs en plastiques « made in China » ou de boutiques haut de gamme hors de prix.
Quand vous tombez sur l’une d’entre elles, ici, ou dans les souks de Marakech, d’Istambul, Le Caire ou ailleurs, entrez sans hésitez. Vous y trouverez peut-être encore des merveilles que vos petits-enfants regarderont comme d’extraordinaires souvenirs d’une époque où voyager était encore un art de vivre.





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