vendredi 3 août 2018

Le Ben Davis dans la tête



Pour les Britanniques, l’ascension du Ben Nevis a quelque chose d’un rite initiatique, histoire de fouler le sommet de leurs iles en éprouvant leur « fighting spirit », cette belle notion tellement « British », mélange de bravoure, d’engagement, de courage et d’audace.
Alors sans être Britannique, on se prend volontiers au jeu de ce défi, histoire de ne rien manquer de cette expérience unique. 
Expérience, ce mot magique souvent utiliser par les anglo-saxons pour qualifier une réalisation singulière.
En y regardant de plus près, on découvre que la montagne culmine à l’altitude vertigineuse de 1344 m, celle de mamelons du Massif-Central… Mais lorsque l’on considère que c’est ici que Sir Edmund Hillary, premier vainqueur de l’Everest avec Tensing Norgay, fit ses premiers pas d’alpiniste, alors « l’expérience » prend une dimension quasi religieuse. Rendez-vous compte, marcher sur les pas d’un géant. Peut-être même fouler les mêmes cailloux !

"L’expérience" peut aussi se considérer sur l’angle vintage.
Au même titre que piloter une voiture ancienne n’a rien d’une performance en tant que telle, cela procure un réel plaisir de rouler à 80 km/h sur les petites routes de campagne toutes fenêtres ouvertes ou, mieux encore, décapoté dans un cabriolet des années 60. Et l’on s’en réjouit toujours à l’avance sans tout à fait savoir pourquoi. Ce sera tout simplement un bon moment.

Pour le pèlerinage sur le Ben Devis, il y a probablement un peu de tout cela à fois. L’idée irrationnelle que l’on s’en fait, associée à la certitude que la balade sera belle comme la plupart de celles en montagne. Sans doute le fait de s’élever, prendre de la hauteur sur le plancher des vaches et découvrir de nouvelles perspectives, de celles qu’ont le privilège d’embrasser les aviateurs.

Avant de s’attaquer au sommet, nous démarrons les jours précédant par de belles randonnées forestières et sur les prairies d’altitude des Highlands. C’est juste magnifique. Il y pleut souvent, mais nous sommes équipés. Sauf que quand la pluie s’installe pour de bon en une douche continue, drue et froide, cela devient moins intéressant. On décide alors de rentrer rapidement.
Sortant du brouillard, nous apercevons en bas le petit parking où est la voiture nous attend. Descente bon train sur un terrain glissant mais franchement sans aucune difficulté, jusqu’à ce que mon pied droit ne dérape sur l’herbe verte et que mon genou heurte LE caillou posé là. Le choc me fait l’effet d’une balle de fusil – autant que je puisse en juger n’ayant heureusement jamais été confronté à ce type « d’expérience » – donc j’imagine, où plutôt je subis et parts dans les vapes sous la douleur. Quelques secondes pour revenir à moi sous les encouragements de ma coéquipière, je tente de me relever complètement tétanisé. Dopé par l’adrénaline je m’invective pour rejoindre la voiture sur 3 pattes : ma jambe valide et deux battons de marche. Nous y sommes. Je tremble comme une feuille morte et retiens mes spasmes. Flo qui avait tout prévu, par chance ou intuition, m’administre un antidouleur de cheval. Je suis en de bonnes mains mais la perspective du Ben Devis s’évanouit et les vacances en Ecosse se terminent en queue de poissons par un retour en urgence.

Ce n’est que partie remise.


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