Derrière la vitrine, au comptoir se
presse un groupe de touristes Chinois visiblement fascinés par les flacons de
verre étincelants joliment disposés sur les rayons de bois sur fond de miroirs
impeccables.
De l’autre côté du comptoir blanc bordé d’une
jolie main courante en cuivre poli, la pharmacienne, solide quinquagénaire
habillée de la blouse blanche qui sied parfaitement la fonction. Un peu stressée
par cette agitation elle semble faire contre mauvaise fortune bon cœur,
distribuant des petites boites de pilules ou d’onguents aux vertus réparatrices. Il faut dire que nous sommes au pas de porte de ce qui
est considéré comme la plus ancienne pharmacie d’Europe, plus exactement celle
qui, depuis le début 14ème siècle serait la seule à ne jamais avoir interrompu
son activité. Combien de souffreteux ont bien pu entrer dans
cette officine quérir remèdes à leurs maux ?
Le cloitre franciscain jouxtant la
pharmacie est délicieusement intimiste, coursive carrée ornée de fines colonnes
doubles donnant sur une orangeraie aux délicates effluves de fleurs. Endroit
propice à la méditation et autres soins de l’âme, curieuse juxtapositions de
lieux, comme le yin et le yang du genre humain.
Dans le prolongement de ce lieu
paisible, où reposent aussi pour l’éternité quelques nobles esprits, un petit
musée présentant des livres anciens. Sont disposée là, simplement protégés par
des vitrines approximatives, des manuscrits du 15ème siècle
magnifiquement rédigés à la plume sans aucune fioriture. Juste de belles
écritures déliées décrivant avec force détails des contrats entre personnes de
haut rang. Au hasard on y découvre aussi une superbe pharmacopée du 17ème, en français, qu’il serait tellement tentant de feuilleter…
Puis l’on retrouve les ruelles médiévales de la cité
historique et son agitation. Dubrovnik, théâtre de la série "Game of Thrones", entourée de ses épais remparts presque
millénaires, comme un écrin vaguement hors du temps. Il y a ici un peu de Syracuse
ou de Zanzibar, villes portuaires aux milles intriques, protégées des affres de l’histoire par de
puissantes fortifications
jusqu’à, pour ce concerne Dubrovnik, l’époque contemporaine et la guerre civile
de Yougoslavie dans les années 90.
Quelques stigmates nous la rappellent :
blessures volontairement non cicatrisées sur les édifices, et expositions de
photos dans de petites galeries. On y entre au hasard. Fixés sur des instantanées,
les regards de ces gens comme si c’était hier, comme si c’était nos voisins. Et
ce malaise de n’avoir pu éviter tout cela à notre porte il y a tout juste 25
ans, l’âge de nos enfants.
Depuis la Croatie a rejoint l’Europe.
La belle idée que nos grands-parents avaient su rendre possible en tournant la
page de la seconde guerre mondiale, assurant aux générations suivantes la plus
grande période de stabilité et de prospérité du continent, celle-là même dont
nous bénéficions encore et que certains auraient tendance à oublier.
Mais il faudra bien encore ici une
génération pour tourner la page.
Dans les visages de celles et ceux qui ont vécu cette guerre, toujours ces stigmates indélébiles de tristesse que les romantiques attribuent à l’âme Slave.
Dans les visages de celles et ceux qui ont vécu cette guerre, toujours ces stigmates indélébiles de tristesse que les romantiques attribuent à l’âme Slave.
Peut-être…
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