vendredi 3 novembre 2017

Dubrovnik



Derrière la vitrine, au comptoir se presse un groupe de touristes Chinois visiblement fascinés par les flacons de verre étincelants joliment disposés sur les rayons de bois sur fond de miroirs impeccables.
De l’autre côté du comptoir blanc bordé d’une jolie main courante en cuivre poli, la pharmacienne, solide quinquagénaire habillée de la blouse blanche qui sied parfaitement la fonction. Un peu stressée par cette agitation elle semble faire contre mauvaise fortune bon cœur, distribuant des petites boites de pilules ou d’onguents aux vertus réparatrices. Il faut dire que nous sommes au pas de porte de ce qui est considéré comme la plus ancienne pharmacie d’Europe, plus exactement celle qui, depuis le début 14ème siècle serait la seule à ne jamais avoir interrompu son activité. Combien de souffreteux ont bien pu entrer dans cette officine quérir remèdes à leurs maux ?
Le cloitre franciscain jouxtant la pharmacie est délicieusement intimiste, coursive carrée ornée de fines colonnes doubles donnant sur une orangeraie aux délicates effluves de fleurs. Endroit propice à la méditation et autres soins de l’âme, curieuse juxtapositions de lieux, comme le yin et le yang du genre humain.
Dans le prolongement de ce lieu paisible, où reposent aussi pour l’éternité quelques nobles esprits, un petit musée présentant des livres anciens. Sont disposée là, simplement protégés par des vitrines approximatives, des manuscrits du 15ème siècle magnifiquement rédigés à la plume sans aucune fioriture. Juste de belles écritures déliées décrivant avec force détails des contrats entre personnes de haut rang. Au hasard on y découvre aussi une superbe pharmacopée du 17ème, en français, qu’il serait tellement tentant de feuilleter…

Puis l’on retrouve les ruelles médiévales de la cité historique et son agitation. Dubrovnik, théâtre de la série "Game of Thrones", entourée de ses épais remparts presque millénaires, comme un écrin vaguement hors du temps. Il y a ici un peu de Syracuse ou de Zanzibar, villes portuaires aux milles intriques, protégées des affres de l’histoire par de puissantes fortifications  jusqu’à, pour ce concerne Dubrovnik, l’époque contemporaine et la guerre civile de Yougoslavie dans les années 90.
Quelques stigmates nous la rappellent : blessures volontairement non cicatrisées sur les édifices, et expositions de photos dans de petites galeries. On y entre au hasard. Fixés sur des instantanées, les regards de ces gens comme si c’était hier, comme si c’était nos voisins. Et ce malaise de n’avoir pu éviter tout cela à notre porte il y a tout juste 25 ans, l’âge de nos enfants.
Depuis la Croatie a rejoint l’Europe. La belle idée que nos grands-parents avaient su rendre possible en tournant la page de la seconde guerre mondiale, assurant aux générations suivantes la plus grande période de stabilité et de prospérité du continent, celle-là même dont nous bénéficions encore et que certains auraient tendance à oublier.
Mais il faudra bien encore ici une génération pour tourner la page. 
Dans les visages de celles et ceux qui ont vécu cette guerre, toujours ces stigmates indélébiles de tristesse que les romantiques attribuent à l’âme Slave. 
Peut-être…  




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