Bangkok ne s’arrête jamais. Même la
nuit les charters et autres vols réguliers déchargent leur flot de touristes du
monde entier venus chercher ici un certain exotisme, clichés standards du
climat tropical associé à la réelle gentillesse des gens, ce sens du service
qui fait que l’on se sent immédiatement à l’aise ici.
Congestionnée la journée par la
circulation dans une ambiance de cocotte-minute, le soir la ville devient
agréable. Il y fait moins chaud, l’air devient plus respirable, et l’on circule
plus facilement. C’est l’occasion de musarder dans les quartiers et s’arrêter manger
la « street food » au coin de la rue, brochettes de crevettes, de
poissons ou de poulet agrémentées de sauces piquantes et de riz blanc pour
adoucir.
Au hasard je m’assois sur un petit
tabouret parmi ces gens souriants. De l’autre côté de la rue, sur une terrasse
ventilée par des grands brasseurs d’air style coloniaux, un bar à bière plein
de touristes à chemise à fleur installés sur du mobilier en rotin, et quelques
hommes accompagnés de jeunes filles locales. La misère sexuelle a aussi trouvé
là un eldorado.
J’attrape un tuk-tuk vers Pad Pong,
histoire de redécouvrir l’atmosphère unique qui règne à cet endroit, mélange
frénétique de dépravations où les pipe-shows s’exhibent au grand jour derrière
des rideaux entrouverts comme des jupes fendues faites pour attiser tous les
désirs. Les filles ne sont ici que de la chair humaine pour voyeurs lubriques
venu satisfaire je ne sais quels fantasmes. Et ces couples d’occidentaux
bedonnants venus aussi se rincer l’œil ensemble devant des gamines qui
pourraient être leur fille. Si le tourisme sexuel est interdit avec les enfants,
la ligne blanche reste bien pointillée.
Puis tous ces commerçants vendant les
mêmes fausses montres de marque, faux Lacoste et autres copies de vêtements et
chaussures de sport. L’illusion de pouvoir accéder au luxe pour presque rien,
et cette question du comment font-ils ? Non pas pour vendre à ces prix,
car ça ne vaut pas plus, mais pour organiser une telle industrie de la contrefaçon.
L’heure avance et il est temps de
rentrer. Faute de tuk-tuk j’attrape une moto taxi, ce que je ne ferai jamais
plus ! Se faire piloter par un jockey de 50 kg, sans casque, sur une
pocket-bike… Je ne sais pas ce qui m’a pris. Sans doute le décalage horaire.
Sur le bord de la rocade, une grande
affiche : « Buddha is not for decoration, respect is common sens ».
Ce n’est pas la première fois que je la
vois. Mais elle ne m’avait jamais frappé à ce point. Et je ne peux m’empêcher
de faire le parallèle entre l’étalage de contrefaçons vu quelques instants plus
tôt, avec ce que nous trouvons dans les boutiques de décoration à la mode chez
nous : têtes de Buddha bon marché pour agrémenter son salon d’une touche
de zénitude.
Mais à bien y réfléchir, quel en est le sens profond pour nous ?
Ne serions-nous pas là-aussi un peu contrefacteurs de spiritualité ?
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