8h30 du matin, l’heure de pointe devant
les ascenseurs de l’hôtel Marriott Marquis d’Atlanta. Quelques minutes
d’attente les yeux rivés sur les numéros d’étages s’affichant au-dessus des
portes coulissantes. Un « dong » presque solennel prévient de
l’arrivée d’une cabine dans laquelle je m’engouffre aussitôt. Déjà 5 ou 6 personnes, les
cheveux encore mouillés, descendent pour le petit déjeuner dans des effluves
d’eau de toilette un peu entêtante.
Et tandis que la porte se referme, on
échange quelques bonjours.
Je souris en lorgnant sur la rangée de boutons
allumés à presque tous les étages. On n’est pas arrivé.
Pour faire patienter,
un petit écran diffuse en continu des flashs d’informations ponctués de spots
publicitaires. Après la météo du jour, une brève où l’on voit le tribun Donald
Trump s’exciter lors d’une convention Républicaine. Tous les regards se tournent
alors vers l’écran, fascinés par cet étrange personnage étonnamment coiffé,
comme sortie d’un feuilleton Américain des années 80. En descendant les étages
la cabine continue à se remplir jusqu’à saturation. Et maintenant à chaque arrêt les
expressions de déceptions des gens attendant à l’ouverture de la
porte.
Nous poursuivons notre voyage,
accompagnés de Donald Trump. J’en souris, comme d'ailleurs quelques personnes, tandis que
d’autres acquiescent aux propos simplistes de candidat par des « yeah »
à peine retenus. Il est question d’immigration, de sécurité, de fierté de
l’Amérique en des termes d’une consternante naïveté démagogique.
Une petite dame chic typée d’Amérique
Latine, peut-être mexicaine, lâche un « quelle honte ! » des
plus audibles. Tous les regards se retournent sur elle, jusqu’à l’écraser.
« Mais il ne dit que la vérité »
répond un solide Américain, tout en lui demandant son prénom (Lisa), avant
qu’un autre ne modère le propos en affirmant que jamais il ne pourrait voter
pour un tel énergumène.
Egrenant les étages, notre descente se
poursuit tranquillement, tandis que la conversation s’anime dans une bonne humeur dont seuls les
américains ont le secret. Lisa ne s’en laissant pas compter, et le solide
« redneck » non plus (Gary), soutiennent l'échange, créant de
facto deux groupes de supporters avec les autres « passagers » qui se
mêlent alors progressivement au débat. Je me permets d’entrer dans le jeu,
ajoutant que vu de mes yeux de Français, il faisait d’avantage penser à un
extravagant showman qu’à un homme politique crédible, ce qui fait sourire notre
petite assemblée, et donne l’occasion à mon voisin de me demander mon prénom
que je lui donne volontiers. Et d’ajouter que je ne comprenais pas comment un
type pareil avait bien pu faire fortune. « American Dream !» me
répond-on en cœur. En m’expliquant que c’est justement de là qu’il tient sa
légitimité. Et sur ce point tout le monde était parfaitement d’accord
semble-t-il.
Un instant j'essaie d’imaginer le même type
de situation chez nous : une dizaines de personnes ne se connaissant pas
quelques minutes auparavant, débattant maintenant passionnément de politique
dans un ascenseur en s’appelant par leurs prénoms. Chacun écoutant et parlant à
tour de rôle, exposant sans aucune gêne apparente des opinions très divergentes,
tout en respectant les autres points de vu, illustration parfaite
de la liberté individuelle parfaitement assumée et respectée ici.
Nous rejoignons finalement le
« lobby level ». Les portes s’ouvrent et la cabine se vide en un
instant. Dans la bonne humeur on se souhaite la bonne journée, heureux d’avoir
pu la démarrer par un échange spontané et désintéressé, en toute liberté.
Et force est de reconnaître que de ce point de vu, l’Amérique reste un
pays à nul autre pareil.
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