S'il
est agréable de piloter une moto sur la route, le plaisir est décuplé quand on
peut en sortir. Et c'est bien l'objectif de cette escapade vers la Sierra de
Guara, spectaculaire formation géologique juste de l'autre côté des Pyrénées au
nord de l'Aragon.
On
rejoint le massif granitique par une très jolie route sinueuse longeant un torrent
de montagne aux reflets émeraude.
L'arrivée
sur "le spot", est saisissante : impressionnantes falaises roses desquelles
se détachent d'étonnantes colonnes, comme des stalagmites géantes où des
grimpeurs du monde entier viennent se mesurer.
Didier
nous a concocté une grande boucle "off-road" autour du massif.
Précision
utile pour les « connaisseurs », nos motos sont de vénérables Honda
Africa-Twin, modèles 1987 et 1995. Celle de Didier a fait le tour du monde
tandis que la mienne a écumé quelques déserts.
Aux
abords du château de Loarre, majestueuse forteresse médiévale parfaitement
intégrée dans le paysage avec vue imprenable sur la vallée, nous entamons la
piste avec délectation. Debout sur les cale-pieds, le regard loin, nous roulons
prudemment dans une vaste sapinière distillant de délicieuses effluves de
résine de printemps. En rejoignant le plateau pierreux la végétation devient plus
clairsemée. La vue se dégage aussi au dessus des arbustes battus par les vents
sur un tapis de bruyère alternativement fuchsia et bleu. Puis la piste devient
plus large et le rythme s'accélère au gré de la pression sur la poignée de gaz.
En glissade on place alors la moto au millimètre entre les saignées piégeuses,
sensation grisante de faire corps avec la machine dans un environnement
exceptionnel. Puis les pistes se croisent sans aucune indication. Nous prenons
des options "à l'instinct".
Mauvaise
pioche… Nous redescendons progressivement dans la foret où la voie se
dégrade rapidement pour devenir un mauvais chemin pierreux, boueux, envahit par les
ronces. Seulement équipés de pneus mixtes nous poursuivons prudemment, façon
trial. Concentrés sur notre progression nous oublions le paysage, totalement
absorbés par le pilotage de nos machines sur ce terrain chaotique quelque peu
hostile où il s'agit de ne pas faire de faute, au risque d'être immédiatement
sanctionnée par une chute. Certes à priori peu dangereuse à ces vitesses
réduites, mais blessante pour l'amour propre…
Puis
nous remontons entre les arbres pour déboucher sur une jolie clairière tapissée
d'un épais gazon naturel.
Retour
au calme. Nous stoppons les motos. En sueur enlevons les casques pour
contempler, depuis ce belvédère naturel, un panorama à couper le souffle : au
nord comme une fine dentelle, l'horizon délimité par la ligne de crêtes des Pyrénées
encore enneigée, tandis qu'aux premiers plans se superposent de multiples
reliefs aux nuances naturelles parfaitement coordonnées : brun, vert, bleus, gris,
sous un ciel bleu intense agrémenté de quelques nuages bourgeonnant.
Vision
parfaite, instant magique où l’intensité des émotions conjugue une confusion de
sentiments : dépassement de soi, contemplation, communion avec la nature,
liberté, amitié.
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